Bonsoir,
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Les "dénaturalisations de 1938" me sont inconnues. Daigne éclairer ma lanterne. *** (François Delpla)
J'admets volontiers que l'emploi du terme "dénaturalisation" est excessif pour désigner les décrets-lois sur la situation et la police des étrangers. Sur fond de crise économique, l'afflux d'immigrés et surtout dans un climat d'antisémitisme virulent qui suinte dans tous les écrits de l'époque, ces deux décrets annoncent l'arsenal législatif antisémite du dernier semestre 1940. Les premiers concernés par ces textes à relents xénophobes - et, n'en doutons pas, implicitement antisémites - furent les Juifs. Notons que par exemple
"l'élimination rigoureuse des indésirables" était laissé à l'appréciation de l'administration.
Les textes in extenso :
- Décret-loi du 2 mai 1938 sur la police des étrangers :

- Décret-loi du 12 novembre 1938 relatif à la situation et à la police des étrangers :
NB : Sous ses pages, en cliquant dans le sommaire en marge de gauche, le visiteur trouvera quelques textes de lois antisémites. D'autres suivront lorsque je trouverai un peu de temps.
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des gens d'aussi bonne foi que Lucie Aubrac racontent des licenciements de collègues juifs, en application du statut, dans la première quinzaine d'octobre. Il y en a peut-être eu, mais pas en application du statut ***
Lucie Aubrac ne se trompe pas ! Les exclusions ont commencé dès le mois de juillet. Une chronologie incomplète sous les mêmes pages que ci-dessus :
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Il y en a peut-être eu, mais pas en application du statut ***
Je suis convaincu que si ! Pas en l'état bien sûr ! Le statut était en gestation depuis juillet et le premier train de mesures antisémites s'y greffait (ou plus exactement devait s'y greffer). L'administration, les préfets ... attendaient des précisions sur la définition de "Juif" pour appliquer "correctement" les lois de juillet à septembre.
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(...) prétendre que la IIIème République était en train de tourner à la dictature antisémite sans tenir compte du contexte international en général et des manoeuvres hitlériennes en particulier, c'est non seulement une assimilation très abusive de deux périodes que le cataclysme du printemps 40 rend radicalement différentes, mais c'est de l'histoire à courte vue, voire du racisme anti-français ***
Une frange de la société française, imprégnée notamment de la pensée maurassienne, était antisémite. Il suffit de parcourir la presse pour le constater. C'est cette frange qui prendra le pouvoir et libèrera sa rage antisémite à l'occasion (à la faveur??) du
cataclysme du printemps 40. Je serai peut-être d'accord avec François Delpla en ajoutant que cette "rage" s'inscrivait tout naturellement dans le cadre d'une Europe nouvelle où la France, celle de Pétain, aurait sa place aux côtés de l'Allemagne.
Pour illustrer mon propos ci-dessus, j'ai vainement cherché (dans mes caves humides et glaciales) la bafouille de Lucien Rebatet publiée dans
"Je suis partout".... au sujet d'un statut des Juifs ! Déjà en 1938 ! Grrrrr ! Ce texte, je l'avais sous la main reproduit dans l'ouvrage de Bruttmann. Le voici :
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Nous voulons donc rendre par un statut les Juifs à leur nationalité juive. Ce statut n'aura rien d'insultant ni de tyrannique. Il sanctionnera une réalité que l'on a vainement cherché à méconnaître.
Les termes de ce statut sont à débattre. Mais il doit comporter nécessairement le retrait aux Juifs de la qualité de citoyens français, et de tous les droits politiques afférents.
Il doit écarter les Juifs de toutes les fonctions et services publics français : représentation politique, enseignement (sauf cas spéciaux), magistrature, armée.
Il doit limiter la participation des Juifs aux autres secteurs de la vie française - et particulièrement les professions libérales - proportionnellement au nombre de la population juive sur le territoire.
Il importe que tous les nationalistes français se pénètrent de ces deux idées: hors d'un statut officiel, la question juive est insoluble en France. Résoudre la question juive ne suffira pas à sauver la France, mais c'est une des conditions indispensables de son salut. ***
Ce texte, signé Rebatet, date du 15 avril 1938.
Bien cordialement,
Francis.
PS. François écrit : ***
(...) l'histoire à courte vue, voire du racisme anti-français *** Je ne vois pas ce que François entend par racisme anti-français ?
Merci de m'éclairer !