... est un vieux dicton militaire. Il est assez vrai, même si l'initiative perdue peut se regagner à la faveur d'une défensive bien menée (ou d'une offensive adverse suicidaire).
Pourtant, je doute que le maintien de l'initiative dans le camp allemand soit une caractéristique que l'on peut attribuer à l'armée allemande. C'est une conséquence de son action très rapide et rondement menée, mais pas un critère de définition.
Ce qui va dans le sens de Frieser, c'est que rien n'a été prévu au-delà de la Meuse, excepté un plan de Manstein qui ne sera pas suivi (poursuite simultanée de l'offensive sur Dunkerque et sur la Somme avec la 12. Armee), ce qui se traduit par un flottement décisionnel qui sera par ailleurs préjudiciable aux armes allemandes (Dunkerque est une illustration vraisemblable de cet état de fait, au moins pour partie), que les structures de commandement adaptées n'existent pas vraiment (s'il y a une Gruppe Kleist, il faut créer de toutes pièces les Gruppen Guderian et Hoth à partir des Etats-Majors des XIX. et XV. Armeekorps (Motorisiert)) et que "Rot" est mis sur pied en un temps record, ce qui souligne plus l'extraordinaire capacité à gérer une offensive de la Heer que la préparation de la campagne par l'OKH et l'OKW...
Mais par ailleurs, on peut relever la concentration de l'essentiel des moyens blindés en un groupe massif (sept divisions blindées et trois motorisées pour dix et quatre respectivement, hors unités SS), la création d'une structure de commandement certes ad-hoc et probablement temporaire (la Gruppe Kleist) destinée à gérer la percée blindée, la pérennisation de l'utilisation du couple chars-avions et l'extension des moyens de reconnaissance aéroportée à usage des éléments mécanisés et de l'artillerie, l'évidente importance accordée aux Panzer Divisionen dans les plans de campagne (comme le démontre le "Haltbefehl" une fois encore) et la volonté d'accroître la flexibilité de la chaîne de commandement, particulièrement après la rupture de la Ligne Weygand.
Ce qui fait qu'à mon avis, on a une Blitzkrieg de fait, caractérisée par de nombreux éléments, mais pas encore mûre pour en avoir toutes les facettes. L'opération "Gelb", et "Rot" après elle, est une avancée évidente dans la voie de la guerre de mouvement, par rapport à "Weiss" en particulier. Pour moi, il est évident que les Allemands ont procédé à tâtons, en perfectionnant au fur et à mesure leur stratégie, mais que celle-ci n'atteindra son paroxysme que lors de "Marita" (l'exemple le plus parfait d'une guerre éclair au cours de première moitié de la Seconde Guerre mondiale je pense) et de "Barbarossa" (où le but de la Blitzkrieg, la conquête des centres de décision politico-militaires et l'élimination du gros de la menace militaire, n'a pu être atteint en raison de contraintes géographiques trop importantes). Après l'hiver 1941-1942, si la guerre de mouvement est entérinée comme doctrine dominante, plus question de "Blitzkrieg", sauf peut-être en Afrique du Nord. Et cela se traduit par de nombreux éléments militaires, tant dans la structure (transformation des Panzergruppen en Panzerarmeen, perte aggravée de puissance des divisions mécanisées) que dans le matériel (la Blitzkrieg avec des "Tiger", j'y crois pas) et l'utilisation des moyens (sur le Front de l'Est, le dogme de la concentration des moyens blindés est abandonné lors de "Blau" au profit d'un étalement des "Schwerpunkten" (? au pluriel), tandis que la mission n'est plus la conquête décisive des centres politico-militaires, mais bel et bien de centres économico-industriels, ce qui démontre que le commandement allemand - Hitler en fait - a intériorisé l'échec de "Barbarossa" et le nouvel aspect de la guerre à l'est : une guerre longue qui n'a plus rien d'"éclair").
Loic Bonal |