Vous écrivez : "Pourquoi le même point de vue est-il scandaleux lorsqu'il énoncé et dûment étayé par Barbier et passe pour anodin lorsqu'il est exprimé par un journaliste ancien résistant ?"
La réponse se trouve dans le texte que vous citez : "A l'origine des Glières, il y eut d'abord l'annonce d'un grand parachutage", écrit Charles Rickard au contraire de Claude Barbier qui, lui, écrit, à la page 143 de son livre : "La nécessité de se prémunir des attaques du maintien de l'ordre - se cacher donc - passait avant la réception des armes."
Encore une fois, cette assertion est fausse et dépréciative. Elle ne paraît pas non plus "dûment étayée". Comment pourrait-elle l'être ?
En effet, quelles que soient les raisons secondaires qui ont poussé les responsables à faire monter 120 maquisards sur le plateau le 31 janvier, comment peut-on, sans malveillance, prétendre que cette opération passait AVANT la mission de réceptionner les parachutages, puisque, justement, les maquisards s'installaient autour du vaste terrain découvert prévu pour les parachutages (au lieu de choisir un lieu retiré dans la montagne, beaucoup plus propice pour "se cacher" s'ils en avaient eu l'intention) ? Comment peut-on, sans malveillance, prétendre que les 120 maquisards allaient "se cacher" sur un plateau ?!
Certes, le chef direct des 120 maquisards en question, le lieutenant Jourdan, écrit ceci (cf., non pas les "révélations" de Claude Barbier en 2014, mais le livre de l'Association des Glières, publié en 1946, page 38) : "Tom, que j'eus la chance de rencontrer à Thônes le jour où fut donné l'ordre de rejoindre le Plateau, m'expliqua le problème d'une manière lumineuse. Devant les opérations de grande envergure déclenchées contre nous, il s'agissait de savoir, me dit-il, si nous voulions être ou ne pas être. Ne pas être était inadmissible : cela signifiait qu'on dissolvait les camps, qu'on abandonnait les jeunes à leur sort, qu'on renonçait à recevoir les armes tellement attendues et maintenant promises. Se dérober ainsi, c'était préparer le plein succès des opérations de police et consacrer nous-mêmes la faillite de la résistance armée. Il fallait être, par conséquent. […]
Dès lors, une seule solution était possible, qui répondait précisément à tous les besoins matériels et moraux des maquisards : grouper tout le monde, avec toutes les armes existantes, dans une zone facile à défendre que l'on interdirait coûte que coûte [le plateau des Glières]. C'est là qu'on attendrait les parachutages promis [pour la pleine lune de février]."
Donc, il ne s'agit pas de "se cacher", selon le terme malveillant de Claude Barbier, puisqu'il signifie, d'après Le Petit Robert, "faire en sorte de ne pas être vu" (synonymes : se dérober, disparaître, se tapir, se terrer, se planquer !), mais, bien au contraire, il s'agit de ne pas faire face sans armes aux forces de l'ordre, de se regrouper pour mieux se défendre sur le terrain prévu pour les parachutages.
D'ailleurs, dès le 2 février, Maurice Schumann, porte-parole de la France libre, qui "répercute les télégrammes envoyés par des instances de la Résistance" (cf. Dictionnaire historique de la Résistance, page 630), lance à la BBC une "alerte à la Haute-Savoie" ; le 6 février, un appel à l'insurrection des Savoyards ! Le même jour, Philippe Henriot, secrétaire d'Etat à la propagande de Vichy, lui répond sur Radio-Paris : la "guerre des ondes" a commencé, qui va focaliser l'attention nationale et internationale sur les Glières : un bon endroit pour "se cacher" !
Ce que, toutefois, Tom, qui était dans le secret, ne dit pas à Jourdan, ou que Jourdan ne dit pas, c'est que le Bureau (français) de renseignement et d'action de Londres (BCRA) avait déjà décidé, le 20 janvier 1944, de former des réduits dans les montagnes françaises, c'est-à-dire de rassembler le plus grand nombre de maquisards sur un site "facile à défendre" (!) afin de constituer des bases d'opérations sur les arrières des Allemands lors du Débarquement qu'on attend pour le début du printemps. |