Votre réflexion mesurée est intéressante. On peut y contribuer en ajoutant que le furieux hitler n'a peut être pas simplement fait une analyse mais qu'il l'a testée puisque dans l'affaire Tuchakevski, il a pu constater que lorsqu'heydrich, grâce à walter schellenberg et alfred naujocks, fournit à staline de (fausses) preuves l'autre tyran (staline) continuait de massacrer sa propre armée. De plus il avait envoyé également le héros Jukhov bien loin à la frontière avec la Manchourie occupée par le Japon.
L'expression "pas prêt à tirer les marrons du feu pour autrui" doit cependant être analysée avec circonspection puisque les soviétiques ont payé le prix fort en vie humaines lors de la seconde guerre mondiale. Par contre il est vrai que le discret mais efficace Hopkins avait négocié pour Roosevelt une augmentation substantielle du pouvoir de staline et que les accords sur l'Europe de l'Est négociés par le dit Hopkins avec Molotov avaient été scellés à la conférence de Téhéran (et non de Yalta comme souvent rapporté).
L'attente des troupes américaines devant Berlin pourrait être lié au fiat que Roosevelt voulait laisser staline "tirer les marrons du feu" pour les alliés en sachant qu'il devrait en payer le prix en Europe de l'Est. De fait comme il ressort du livre d'Elliot Roosevelt "Mon Père M'A Dit", le vrai partage entre staline et Roosevelt était que les USA s'emparait des empires français et britanniques grâce aux Nations Unies sous égide américaine (tout en colonisant l'Europe de l'Ouest économiquement et militairement grâce au lend-lease, au Nato et aux accords de Bretton Woods) et que les Soviétiques conservaient l'Europe de l'Ouest. Cette politique dépassait les hommes politiques et était celle de l'administration américaine puisqu'elle a continué après la mort de Roosevelt: le président Truman a bien suspendu après l'histoire du Val d'Aoste, les livraisons d'armes de munition et de matériel aux français en raison des entraves que de Gaulle mettaient à leur projet. Churchill qui ne s'y trompait pas (voire comment il fut traité à Téhéran) pris le relais des américains auprès des français.
On peut trouver des preuves à l'appui de cette analyse dans la description négative de Giraud par Roosevelt: le général ne voulait pas lui céder l'empire français et n'était donc pas un bon candidat politique. Roosevelt avait re-essayé avec Nogues présenté par Patton. L'accord Darlan Clark trahit les intentions de l'administration américaine et de Roosevelt. Il ressort clairement du livre d'Elliot Roosevelt que c'est Churchill qui progressivement impose de Gaulle pour la préservation des empires français et britanniques et que Roosevelt ne s'y trompe pas.
Cette politique américaine se poursuivra d'ailleurs bien après Truman et avec la guerre en Corée et en Indochine qui deviendrait le Vietnam. Aucune analyse de la décolonisation ne saurait faire abstraction de ces tractations Américano-staliniennes. De Gaulle ne s'y d'ailleurs jamais trompé et il a fallu attendre Jacques Chirac et John Major pour que l'administration américaine perde le contrôle du commandement nord européen de l'OTAN et attendre Nicolas Sarkosy pour que quelqu'un ose remettre en question les accords de Bretton Woods. La réaction de l'administration américaine après la perte du controle du commandement nord européen de l'OTAN est éloquent: Madeleine Albright (qui était née à Pragues) s'est précipitée chez les Russes pour renforcer le pouvoir américain sur le commandement Sud Européen ... et nous avons eu une guerre dans les Balkans que les américains ont réglé, justifiant leur pouvoir sur cette zone.
Je ne voudrais pas que mon analyse laisse à penser à une forme d'anti-américanisme: les jeunes G.I qui ont laissé leur intégrité physique ou leur vie, ou les ont simplement risquées en Europe de l'Ouest, le faisaient vraiment par idéal de liberté et nous avons vis à vis d'eux une dette éternelle comme ils ont une dette vis à vis de la France (Yorktown) que l'histoire ne saurait éteindre. Cette dette morale s'étend également aux Africains, aux Canadiens, aux Indiens, aux Néo Zélandais, aux Australiens... et aux Russes comme à nos vieux frères Britanniques. Nous leur devons plus que nous devons à nos amis et voisins suèdois, suisses, portugais ou espagnols. |