Staline a-t-il fait détruire la Ligne Staline ? - Le Brise Glace - forum "Livres de guerre"
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Edition du 02 octobre 2011 à 18h16

Le Brise Glace / Victor Suvorov

En réponse à -16 -15 -14 -13 -12 -11 -10 -9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2
-1Vieux débat, mais pas à l'avantage de Rezun de Nicolas Bernard

Staline a-t-il fait détruire la "Ligne Staline" ? de Nicolas Bernard le dimanche 02 octobre 2011 à 18h07

Selon V.B.Rezun, l'U.R.S.S. aurait installé avant 1939 un redoutable réseau de fortifications le long de sa frontière occidentale, baptisé "ligne Staline". Toutefois, au lieu de renforcer ce dispositif, le dictateur soviétique, dès la conclusion de son pacte de non-agression avec Hitler, aurait fait interrompre les travaux, désarmé les casemates, et aurait même procédé à leur destruction totale. Pourquoi ? Tout simplement parce que dans la perspective d'une invasion de l'Europe elles n'avaient aucune utilité - Suvorov, Le Brise-Glace, Olivier Orban, 1990, p. 83-95. La "destruction" de la "ligne Staline", à première vue absurde, serait ainsi une preuve des intentions agressives du tyran géorgien.

Fascinant, indéniablement. Mais faux. Car Staline n'a pas fait détruire la ligne qui porte son nom.

Dans les années trente, le Kremlin avait fait bâtir 21 régions fortifiées (U.R.) le long de la zone frontalière – ce que les Allemands appelleront la "ligne Staline". Chaque U.R. devait couvrir environ 100 à 200 km de front sur une profondeur de 30 à 50 km, et comporter, à ce titre, un réseau d’ouvrages bétonnés ou blindés. La raison d'être de ce système consistait à concentrer une grande puissance de feu servie par un personnel réduit, chaque U.R. ne comprenant au total qu’environ 4.000 hommes en moyenne.

Fait à signaler, un tel réseau réseau n’était pas, en lui-même, synonyme de défense. En effet, la doctrine de l'Armée rouge consistait à instaurer une dynamique entre défensive et offensive : il appartenait tout d'abord aux forces armées de couverture d'encaisser le coup, tout en laissant d'autres grandes unités mobiles se préparer à lancer au plus vite une contre-attaque dévastatrice sur les avant-gardes ennemies et sur leurs arrières, de manière à s'enfoncer dans la profondeur de leur dispositif. Dans cette logique, la "ligne Staline" servirait, non seulement à bloquer sinon ralentir l'envahisseur, mais également à faire écran aux armées mobiles, et à protéger leurs zones de départ d’éventuels assauts.

L’annexion, par les Soviétiques, de la Pologne orientale et des pays baltes ne peut que pousser Moscou à avancer sa ligne de fortifications, sauf à rendre inutile la conquête "pacifique" de cette vaste zone-tampon. En conséquence, 20 nouvelles régions fortifiées sortiront de terre en 1940 et 1941, le long de la nouvelle frontière avec l’Allemagne nazie – réseau qui sera baptisé par les Allemands "ligne Molotov".

Qu'en est-il alors de la "ligne Staline" ? Ne prolongeons pas le suspense : elle n'a pas été détruite, ni ses bunkers dynamités, contrairement à ce que l'on peut lire, notamment chez le général Grigorenko. Comme l'écrira Joukov, "les secteurs fortifiés se trouvant le long de l'ancienne frontière de l'Etat n'ont pas été supprimés, ni désarmés, comme le disent certains mémoires et travaux historiques. Ils ont été conservés sur tous les terrains et axes importants, et leur renforcement avait été prévu. Mais, au début de la guerre, le développement des opérations n'a pas permis de réaliser entièrement les mesures prévues, ni d'utiliser de la manière voulue les secteurs fortifiés." (Mémoires, vol. I, op. cit., p. 314)

En 1938-1939, en effet, lorsque la décision de lancer la "ligne Molotov" sera prise, la "ligne Staline" était loin d'être achevée. Les ouvrages existants étaient entachés de nombreux vices de conception, et leur armement, quand il existait, se constituait surtout de mitrailleuses. Le personnel lui-même était insuffisamment formé. Comme le notera Mikhail Sivrine en se référant à de nombreux rapports du N.K.V.D. et de la Défense, "non seulement le N.K.V.D., mais aussi des représentants des unités d'infanterie et d'artillerie de l'Armée rouge, qui constituaient l'ossature des garnisons, ont considéré ces structures inadaptées à la conduite d'opérations militaires" (Začem Stalin uničtožil "liniju Stalina" ?, 2007).

Or, pour accélérer les travaux sur la "ligne Molotov", la ligne Staline sera laissée à l’abandon dans divers secteurs. En outre, dès octobre 1939, il est prévu de réduire d'un tiers les effectifs de ces zones fortifiées. Enfin, au printemps 1941, et compte tenu des retards considérables dans l'édification de la "ligne Molotov", Staline décide, sur les conseils des maréchaux Koulik et Chapochnikov, ainsi que d'Andrei Jdanov, de transférer une partie de l'équipement de la "ligne Staline" sur ces nouvelles positions au printemps 1941, décision qui sera partiellement rapportée sur demande de Joukov et Timochenko (Joukov, Mémoires, vol. I, op. cit., p. 313).

Pour autant, de 1939 à 1941, le génie soviétique a tenté de moderniser les ouvrages et l'armement de la "ligne Staline", mais ce développement a été entravé, sans être totalement remis en cause, par l'effort accordé à la "ligne Molotov". En outre, des fortifications seront mises en chantier sur la ligne Ostashkov-Pochep, à l’ouest de Moscou, signe d’une certaine inquiétude du Haut-Commandement, proprement défensive en l’occurrence. Mais ces travaux n’aboutiront pas.

En tout état de cause, il est particulièrement inexact de prétendre que le Kremlin aurait fait détruire la "ligne Staline". Largement inachevée en 1939, elle a très progressivement pâti du souci qu'avaient les responsables de la Défense soviétique de renforcer en priorité la "ligne Molotov", mais ces derniers n'avaient pas renoncé à l'améliorer. Ils ont malheureusement couru deux lièvres à la fois, et, réalisant en 1941 l'ampleur de leur retard, ont du opérer en catastrophe le choix de transférer une partie de l'armement des U.R. de l'ancienne frontière vers ceux de la nouvelle.

De fait, le 22 juin 1941, ces régions fortifiées, fort incomplètement achevées et pourvues en munitions (sur 2.300 points fortifiés, seuls 1.000 ont reçu leur batteries), ne sont en fait tenues que par des effectifs réduits, c’est à dire à peine un officier sur un chiffre théorique de quatre, et moins de la moitié des soldats requis. Le camouflage est pratiquement inexistant, des zones entières n’ont pas été minées - voir Glantz, Stumbling Colossus, op. cit., p. 149-151, ainsi que Lopukhovski, Ijun 1941., op. cit., p. 492-495.

Ainsi, le sort de la "ligne Staline" est révélateur des dysfonctionnements de l'Armée rouge en 1941 : le mirage des statistiques s'est dissipé pour révéler la réalité de son impréparation en 1939, laquelle n'a su être efficacement combattue pour cause d'ambitions démesurées des cadres au pouvoir, et des évolutions désordonnées de la stratégie et de la diplomatie soviétiques. Mais elle n'a jamais fait l'objet d'un quelconque démantèlement - les soldats allemands qui l'affronteront en juillet 1941 en sauront quelque chose...

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1 Après Viktor Souvorov ... de CLASS Christian 06 octo. 2011 15h54
2 Grigorenko est un dissident doublé d'un témoin précieux de Nicolas Bernard 06 octo. 2011 17h13

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