Comment est-ce possible ?
Comment est-ce possible ?
Soixante cinq ou soixante dix ans après les faits, deux clans d’historiens (ou de publicistes) s’opposent frontalement sur « Vichy et la solution finale », ainsi d’ailleurs que sur Vichy dans son ensemble.
Certains, comme Paxton , Klarsfeld, Kaspi, Azéma, Bedarida, Conan, Rousso, Bernard Franck…, chargent Vichy d’opprobre et l’accusent de menées antisémites allant dans le sens de celles de l’occupant nazi, tandis que d’autres, non moins nombreux, tels que Robert Aron,J-R Tournoux, Guy Pedroncini, Rémy, Jean-Paul et Michèle Cointet, F-G Dreyfus, Annie Kriegel, Henri Amouroux, Raul Hilberg… seraient prêts à s’associer à la phrase de Léon Poliakov :
"Du sort relativement plus clément de la communauté juive de France, Vichy fut, en fait, le facteur prépondérant."
A cette interrogation taraudante, il y a peut-être une réponse et qui tient en deux mots : Vichy fut, de bout en bout, une politique de l’esquive.
(Le livre que j’ai intitulé « Pétain, trahison ou sacrifice ? » aurait pu avoir pour titre « Vichy, ou la politique de l’esquive ».)
A chaque fois que Vichy est pris en flagrant délit d’actes antisémites, il est facile de trouver une explication qui le sauve, car ce sont ces actes mêmes qui, mis bout à bout, ont permis ce magnifique sauvetage qui, sans eux, eût été impossible.
A ceux qui le contestent, je pose les questions suivantes :
N’est-il pas vrai que nous avions perdu la guerre (pardon : « une bataille » !) et que l'armistice fut ressenti avec soulagement et, aussi, que la confiance du pays envers le Maréchal fut un vrai phénomène de société ?
Or, le Maréchal a-t-il trahi cette confiance ?
Toute la question est là.
Or, je dis non.
Tout ce qu'il pouvait faire, désarmé comme il l'était, c'était d'essayer de desserrer l'étau, de relâcher la pression, d'esquiver les attaques de l'occupant pour éviter des malheurs à des milliers d'humbles foyers. Or, il y a réussi dans des proportions énormes et c'est cela qu'il importe de dire aujourd'hui, car le public a été trompé là-dessus.
Grâce à d'habiles négociations où les talents de gens comme Laval, Bousquet, Vallat et même Darlan (que j'aime moins), non pas des milliers d'humbles foyers mais des millions y gagnèrent.
Enfin, est-ce vrai ou faux qu'il y avait 350 000 Juifs en France dont 275 000 survécurent, 400 000 en AFN qui, grâce à l'armistice, ont évité l'occupation allemande et les conséquences probables de cette occupation, 2000 000 de prisonniers en Allemagne qui rentrèrent sains et saufs (y compris les Juifs) dont 800 000 avant la fin de la guerre grâce à la Relève et à d'autres négociations.
N'est-ce pas un fait aussi que les famines furent évitées, que les condamnations à mort suivies d'exécution furent limitées à 4000, que les massacrés ne furent que 1200, que Paris évita, contrairement à Varsovie, la destruction et que nos ouvriers ne partirent en Allemagne y travailler que dans une faible proportion si on compare à d'autres pays occupés.
N'est-ce pas vrai, aussi, que tous ces avantages furent obtenus sans que la cause alliée fût trahie soit par la livraison de la flotte soit par celle de portions de l'empire telles que des bases maritimes ou aériennes ?
Ne soyons pas ingrats même si tout cela se paya de certaines paroles désagréables comme "collaboration" ou "Je souhaite la victoire de l'Allemagne…"
Que sont les mots à côté des morts et à côté de la victoire finale ?
Je vous le demande. |