> Soyons sérieux : il est bien vrai que pendant les quatre
> années d'occupation l'opinion a évolué sur les chances
> qu'avait l'Allemagne de gagner la guerre et que nombre de
> ceux qui pensaient en 1940 que c'était fichu ont changé
> au cours des semestres suivants.
Pas la peine de changer les termes de l'équation pour vous dépêtrer de
votre aporie. On ne cause pas des
"quatre années d'occupation" mais de la décision de signer l'armistice : or, à ce titre, vous ne pouvez pas, d'un côté, nous
assurer qu'en capitulant le gouvernement Pétain "a sauvé la guerre", ce qui suppose par définition une action concrète résultant d'un plan de victoire particulièrement visionnaire, et de l'autre, nous professer qu'
on ne peut faire grief à ce même gouvernement de ne pas avoir su que Hitler allait finalement perdre la guerre. C'est évidemment, irrémédiablement, irréductiblement contradictoire. D'où l'aporie.
> Or, malgré cela Vichy n'a pas dévié et a refusé à cinq
> reprises d'entrer dans une alliance avec Hitler, allant
> jusqu'à débarquer Laval suspect à cet égard.
Ben voyons. Il ressort des travaux d'historiens allemands (Eberhard Jäckel,
La France dans l'Europe de Hitler, Fayard, 1968 -
compte-rendu ici - et je reviendrai sur votre utilisation de ce travail) autant qu'américains (Robert Paxton,
La France de Vichy, Seuil, 1973 -
compte-rendu ici) ou français (Henri Michel,
Pétain, Laval, Darlan. Trois politiques ?, Flammarion, 1972 -
compte-rendu ici ; François Delpla,
Montoire, Albin Michel, 1995, qui souligne l'importance du jeu hitlérien de manière plus approfondie que ses prédécesseurs) que Vichy a profondément souhaité collaborer avec les Allemands, notamment sur les matières militaires, et a approché Berlin à cet effet.
Cette politique vichyste ira loin, dans la mesure, notamment, où en mai 1941, alors que Darlan rencontre Hitler à Berchtesgaden pour monnayer cette collaboration armée, la
Luftwaffe reçoit l'autorisation française d'utiliser des bases en Syrie pour bombarder l'Irak.
Hitler, lui, n'avait pas besoin d'un allié, mais d'un satellite exploitable à merci et compromis dans ses basses oeuvres, et c'est lui qui rejettera à chaque reprise les sollicitations vichystes (cf. Jäckel et Paxton,
op. cit.), qu'il se paiera le luxe d'encourager occasionnellement au préalable pour obtenir gain de cause sur d'autres dossiers (
Judenfrage, économie...) - voir à ce titre Delpla,
op. cit., et Barbara Lambauer,
Otto Abetz et les Français, Fayard, 2001, qui semble surestimer l'indépendance de l'ambassadeur Abetz et négliger en conséquence le rôle du véritable tireur de ficelles, en l'occurrence le
Führer (en toute hypothèse,
voir l'entretien accordé par Barbara Lambauer à Parutions.com).