Les approches diplomatiques soviétiques de l'été 1941 sur la question des prisonniers de guerre des deux camps ont été exposées dans Christian Streit,
Keine Kameraden. Die Wehrmacht
und die sowjetischen Kriegsgefangenen 1941-1945, Dietz Verlag, 1997, p. 225-230 et p. 400, ainsi que Andreas Hilger,
Deutsche Kriegsgefangene in der Sowjetunion 1941-1956. Kriegsgefangenenpolitik, Lageralltag und Erinnerung, Klartext Verlag, 2000, outre d'être évoquées dans Rolf-Dieter Muller et Gerd Ueberschär,
Hitler's War in the East 1941-1945. A Critical Assessment, Berghahn Books, 2002, p. 215.
Par ailleurs, l'U.R.S.S. n'a jamais signé
la Convention de Genève du 27 août 1929 relative au traitement des prisonniers de guerre, à l'inverse de la
Convention de Genève du 27 août 1929 pour l'amélioration du sort des blessés et malades dans les armées en campagne, effectivement ratifiée, elle, par Moscou en 1932. L'U.R.S.S. ne se considérait pas, de surcroît, liée à la Convention de La Haye de 1907, dès lors qu'elle avait été signée par la Russie tsariste. En effet, reconnaître sur ce point que le pouvoir soviétique était la continuité juridique de l'Empire russe était de nature à poser de sérieuses difficultés doctrinales et pratiques : en ce cas là, Moscou se serait notamment vu contraint de rembourser nos emprunts russes...
En ce qui concerne le
Generalplan Ost, rappelons qu'il s'agit là d'une opération de remodelage racial à grande échelle, initialement étudiée pour le cas des territoires polonais, avant de faire l'objet de modifications dans le sillage de l'invasion de l'Union soviétique. En juillet 1941, Konrad Meyer, responsable de la Planification au
Reichskommissariat für die Festigung Deutschen Volkstums (Commissariat pour le renforcement de la Germanité, en abrégé
R.K.F.), livre ainsi à Himmler, qui dirige cet organisme, une nouvelle version de ce Plan, prévoyant en effet l'implantation à l'Est de 4,5 millions de colons allemands, ainsi que la germanisation des autochtones susceptibles d'être racialement récupérables, et l'expulsion ou, le cas échéant, la suppression, de 31 millions de personnes (Polonais, Russes, Baltes) vers le "dépotoir" que sera ce qui reste de la Russie, hors de l'espace colonisé. Je pense que Hitler s’est inspiré de ce plan pour affirmer, en octobre 1941, que quatre millions d’Allemands iraient s’installer à l’Est dans les dix ans, et au moins dix millions en vingt ans, sachant, en toute hypothèse, que les colons devaient également être issus de Scandinavie, des Flandres et des Pays-Bas, régions réputées racialement germaniques - au moins à titre partiel.
Les organismes allemands vont également se consacrer à la détermination des populations assimilables. Là où le
R.K.F. songeait à expulser ou supprimer 31 millions de personnes, Erhard Wetzel, en charge des problèmes raciaux au sein de l’administration allemande des territoires orientaux occupés, recommandait pour sa part d’augmenter ce chiffre à une cinquantaine de millions d’individus. Les experts raciaux allemands du
R.u.S.H.A. (
Rasse und Siedlungshauptamt), l’Office central de la Race et de la Peuplement, fondent ainsi sur les zones envahies par la
Wehrmacht, passant au crible les habitants pour opérer une sélection des éléments les plus favorables à la germanisation, de sorte que la version finale du
Generalplan Ost, datée de mai 1942, prévoit l’évacuation ou la mise à mort de 80 à 84 % de la population polonaise, 64 % de la population ukrainienne, 75 % de la population biélorusse. La zone de Leningrad, peuplée de plus de trois millions d’habitants, ne devra notamment comprendre que 200.000 personnes. Les Juifs soviétiques, dans cette optique, sont considérés comme indésirables et font l'objet de mesures d'extermination totale (leur génocide, à mon avis, a été décidé par les chefs nazis avant le déclenchement de
Barbarossa, affirmation qui reste en débat chez les historiens). De même, la famine des prisonniers de guerre et des populations civiles occupées ne peut se comprendre, par delà les impératifs d'approvisionnement cyniquement retenus par l'armée allemande et les services civils de l'approvisionnement du
Reich, sans cet objectif de colonisation/dépopulation.