Le 14 juin le soleil se couchant à 19h 53 (heure française), vers 21H,30 Cordier aurait pu voir la fenêtre du 2 place Raspail allumée.
« …aurait pu… » car en 1943 toutes les fenêtres de France étaient enduites d’une peinture bleue pour ne pas être vues par les bombardiers alliés. Il est possible que cette règle ne soit pas observée dans certaine région reculée. Pourtant elle l’était par exemple dans certaines bourgades du sud Finistère, dans la banlieue de Chateauroux (expériences vécues). Elle l’était sûrement dans une grande ville comme Lyon. La police y veillait.
Donc sur le pont de la Guillotière, Cordier ne pouvait rien voir des fenêtres allumées ou pas du 2 place Raspail.
Vers 22/23 heures le 14 juin 1943, Moulin et Cordier se promènent square Raspail. Cordier annonce à Jean Moulin l’arrestation de Delestraint. Comment deux Résistants qui sont bien sûr seuls dans le square, peuvent s’entretenir malgré le couvre-feu. Déjà sur le pont de la Guillotière, Cordier était repérable comme on l’est sur un pont tout seul. ( Par exemple, les miliciens passant en trombe dans leur tractions-avants, dans les rues de Chateauroux, avenue de La Châtres, vers 21ou 22 heures tiraient sur les passants « prenant le frais » -Expérience vécue)
Or le 12 juin 1943, le secrétaire de Delestraint François-Yves Guillou apprend au secrétaire de Moulin, De Graff, que le général Delestraint a été arrêté le 9. Jean Moulin décide de se cacher à Trévoux pour la Pentecôte au domicile de Hélène Vernay. Il regagnera Lyon le mardi 15. Il y a de nombreux témoins selon Jacques Baynac dont Hélène Vernay qui a raconté l’affaire dans le « Progrès de Lyon », De Graff, François-Yves Guillou.
Moulin ne pouvait pas se trouver au 2 place Raspail le 14 puisqu’il était à Trévoux. Il avait su 2 jours plus tôt l’arrestation de Delestraint et pas par Cordier.
Cordier dit que pressé par Jean Moulin, il a fait les agences immobilières pour trouver la chambre de Mme Labonne, 2 place Raspail. Une des premières préoccupations des R.G et probablement des S.R. allemands était de consulter les registres des Agences. Imprudence ou incompétence du fait du très jeune âge de Cordier ?
Autre aspect étrange du livre de Cordier : j’étais en admiration devant son livre où sa mémoire était intacte à l’âge de 87 ans pour nous faire revivre tous les moments de Jean Moulin et des principaux patrons des mouvements. Oui mais si sa mémoire est incommensurable, il n’est pas possible de rattacher tel ou tel chapitre à une date précise 66 ans après, compte-tenu qu’il relate les faits presque au jour le jour (jour de la semaine et date). La mémoire a des limites.
Ou bien il a tenu un journal de 1940 au mercredi 23 juin 1943 (fin du livre). Mais alors il devait le tenir presque journellement. Or ce jeune homme, écrasé de fatigue avec ses allées-venues à travers le sud de la France puis ensuite entre Paris et Lyon, le décryptage des nombreux messages qui avaient lieu au détriment des heures de sommeil, ne pouvait pas encore rédiger son journal de marche en fin de nuit même s’il l’écrivait 2 ou 3 fois par semaine !
Ou bien il n’y avait pas de journal car c’était bien s’encombrer maladroitement d’une preuve accablante révélant tous les dessous de la résistance pour les services de renseignements ennemis. Où l’aurait-il planqué lors de ces nombreux changements de domicile ?
Autrement-dit ce sympathique vieillard auteur de « Caracalla » ne nous cravaterait-il pas ? ( mot dans le dictionnaire Robert, un peu atténué ) |