Bonjour
Quelques données sur le couvre-feu à Lyon.
Le couvre-feu était fixé en 1943 officiellement à 22 heurs mais pouvait être abaissé suivant les humeurs des occupants.
Dès mars 43, devant la recrudescence des attentats contre les forces d’occupation, le général Fuchbauer, dans une lettre au préfet de Lyon, énumère les 8 établissements qui peuvent dépasser le couvre-feu abaissé à 20h : (café-restaurant le Moulin à Vent etc… Gérard Chauvy, « Lyon 40/44 » page 288 )
Le 1 mai 1943, en prévision de la fête du travail (interdite) le couvre-feu est fixé à partir de ce jour à 17 heures (même source page 297)
Dans la presse lyonnaise, le 20 juillet 1943, le couvre-feu est annoncé à partir de ce jour dès 20 heures pour toute la rive-gauche du Rhône (même source page 299)
Marcel Ruby, dans sa thèse d'Etat sur La Résistance à Lyon, vol 1, édition l'Hermes, Lyon, 1979, rapporte ceci, p. 347 : " le mardi 1er juin 1943, un officier allemand circulant en civil à 23 heures abat un brigadier de police français qui lui demande son identité."
« Le couvre feu à Lyon était fixé le 15 janvier 43 à 22 h » (livre de Pierre Quillet, Le chemin le plus long, Maisonneuve & Larose, 1977, p. 400)
L'occultation des fenêtres, spécialement dans les grandes villes, était obligatoire depuis la drôle de guerre et renforcée par les Allemands sous peine de sérieuses sanctions. Elle n’avait pour but que de cacher, les agglomérations la nuit, pendant la drôle de guerre aux bombardiers allemands et ensuite aux bombardiers alliés.
Enfin, l'heure allemande, c'est à dire GMT + 2, a été imposée en zone non occupée en 42-43-44. Le décret du 17 février 42 a rétabli l'usage de l'heure d'été en zone non occupée, et le décret du 19 mars 43 fixe ce retour au 29 mars 43. Ca signifie qu'à 22 h le 14 juin 43, il était 21 h à l'heure française normale et qu'à 21 h il faisait encore jour, tout près du solstice d’été.
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Jean Moulin. La république des Catacombes. Page 442 Gallimard 1999
14 juin 1943: Jean Moulin apprend l'arrestation du général Delestraint
Jean Moulin, ignorant ces événements, quitta Lyon le samedi 12 pour passer la Pentecôte chez les parents de sa secrétaire à Trévoux, dans l'Ain. Inconnu de tous, il s'y sentait en sécurité. Il s’y présenta comme artiste peintre, car, toujours prudent, il avait emporté du matériel de peinture. Rentré à Lyon dans la soirée du lundi 14 juin, il apprit l'arrestation du général Delestraint.
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Enregistrement d’un documentaire sur la « 5 » sur Cordier, de William Karel en 2002 :
« …Alors, je suis arrivé dans la soirée du dimanche. Je suis allé à l'emplacement du secrétariat, toujours personne. Et alors je pensais que Moulin rentrerait peut-être le dimanche soir de la Pentecôte. C'est-à-dire le 13 juin *. J'avais un moyen : c'est de me poster devant sa dernière chambre. Elle était place Raspail à Lyon et surplombait le pont de la Guillotière et le Rhône, et, en face, il y avait l'hôtel Dieu. Du quai, de l'autre coté du Rhône, je pouvais voir son immeuble. Il y est encore. Il habitait au deuxième étage. C'était la quatrième fenêtre en partant sur le côté. En juin, la nuit tombe très tard. Je faisais les cent pas. Très tard, vers 11H, 11H30, je ne me souviens plus. Pas de lumière. Je vais me coucher. Le lendemain je suis allé me promener. Puis le 14, j'ai fait la même chose. Vers 22 h, 30. la lumière s'est allumée. Immédiatement, j'ai traversé le pont. Je suis monté. J'ai sonné deux coups. Il avait une petite chambre, qui était celle de la propriétaire, mademoiselle Labonne. Elle louait sa chambre et vivait dans son salon, séparé par une cloison en papier. Pour éviter de la déranger, nous avions convenu que je sonnais 2 fois. Donc c'est lui qui est venu m'ouvrir. Il était en train de défaire sa chemise et il a tout de suite compris qu'il y avait eu une catastrophe. Je n'étais jamais venu sans rendez-vous et surtout à cette heure là. Je venais toujours le matin à 7H.
Il a mis le doigt sur ses lèvres.
Je lui dise « Bonjour, excusez-moi », quelque chose qu'elle pouvait entendre.
Il me dit : « bon, attendez j'arrive ».
Il a refait sa cravate et en descendant les marches, je lui glisse Delestraint. Il a tout de suite compris. Nous partons vers un square, nous sommes allés dans le square. Il me demandait des détails. Mais des détails, j'en avais pas. lI me faisait répéter pour essayer de comprendre ce qui se passait. Je n'en avais pas. Il avait manqué 3 jours de rendez-vous.
Il me dit de venir le lendemain matin. On déjeune à midi; on avait un petit restaurant à ce moment-là. On changeait périodiquement. C'était le « Coq au vin », à côté de la place Bellecour. Alors je suis arrivé le lendemain et nous avons déjeuné ensemble. »
* le 12 était un samedi, le 13 le dimanche de Pentecôte, le lundi 14 jour férié.
Cordialement |