"Ce que je raconte, personnellement, depuis bientôt vingt ans, c'est qu'il y a là, encore aujourd'hui, un chantier immense, où moi-même je ne sais guère où donner de la tête tant les tâches capitales sont partout."
Il me semble avoir écrit la même chose dans un de nos échanges en réponse à une de vos affirmations selon laquelle le nazisme était un régal pour l'historien car on ne peut plus simple à appréhender. Sur ce point, nous sommes donc d'accord aujourd'hui. Un vaste chantier, ce qui n'empêche pas que, d'une manière générale, je trouve l'histoire du national-socialisme telle qu'écrite dans les années 50-70 plus fiable que celle servie par de nombreux historiens d'aujourd'hui. Un exemple : la série diffusée sur Arte récemment et consacrée à la Wehrmacht. Je ne l'ai pas vu dans sa totalité mais cette oeuvre de néo-historiens teutons et marxistes n'aurait pas été plus malhonnête si elle avait été réalisée par les services de la propagande de l'ex-RDA. Par conséquent, ne jetons pas au feu tout ce qui a été écrit pendant la guerre froide sous prétexte que c'était la guerre froide et cessons de considérer tout ce qui est écrit depuis la chute du mur comme nécessairement supérieur. Un autre exemple : sur l'opposition allemande à Hitler, le livre de référence a été écrit par Peter Hoffmann dans les années 60-70 (plusieurs éditions). Depuis, aucun ouvrage sur le même thème ne lui arrive à la cheville et certainement pas les dernières productions liées à la sortie du film Valkyrie. Sur bien des aspects du nazisme, je suis toujours frappé de constater que des livres sortis récemment, en général bien accueillis par la critique et présentés comme novateurs, n'apportent aucun élément nouveau (ou très peu) par rapport à des études antérieures de 20 ou 30 ans.
"Mais je donne ! et il est grossièrement faux que je me contente de généralités et d'abstractions. J'ai toujours les mains jusqu'au coude dans le concret et le cambouis ! Et mes abstractions reposent sur un nombre sans cesse croissant d'analyses serrées, à base de documents inédits ou jamais vraiment lus."
Il ne me semble pas avoir écrit que vous étiez un parfait charlot et, si j'ai donné cette impression, je le regrette. Je n'ai aucun doute sur le fait que votre vision du nazisme est le fruit d'un travail de recherche sur différents aspects du phénomène. Il n'en demeure pas moins que celle-ci me semble largement éronée, que vous prêtez, selon moi, à Hitler des aptitudes qu'il n'a pas et que vous avez tendance à voir des complots là où il n'y en a pas. Vous reconnaissez vous-même que de très nombreux aspects du nazisme vous sont inconnus ou que très superficiellement connus. Je note également que vous faites preuve d'une évidente ouverture d'esprit et que vous semblez prêt à vous remettre en cause. Je pense donc que votre analyse est amenée à évoluer.
"On peut donc tirer des conclusions fermes sur son double langage (sa méthode favorite, et, à ce degré, contrairement à ce que vous avancez, sans précédent dans la politique mondiale) : d'un côté, le visage intransigeant (et normal) d'un chef de guerre qui fait semblant d'y croire car sinon il n'y aurait plus de guerre, de l'autre une vue d'avenir aussi rationnelle que sacrificielle..."
Il n'était pas question du double langage mais de l'exploitation par Hitler des oppositions internes au NSDAP. Sur la question du double langage, la manière de faire de Hitler est-elle si singulière que vous l'affirmez ? Je ne le crois pas. Les exemples de duplicité ne manquent pas dans la politique mondiale et Staline me semble au moins aussi doué que Hitler en la matière. A mon sens, il est même nettement supérieur. |