Si depuis plus de trente ans, je tente à mon petit niveau de suivre le conseil de Marc Ferro sur la nécessité d'interroger les rapports Cinéma et Histoire, j'essaie de rester vigilant à propos de l'utilisation de fictions pour sensibiliser les écoliers, lycéens et collégiens aux questions de la Résistance. J'ai déjà dit ce que je pensais du film de Berri sur Lucie Aubrac, un film que je trouve peu convaincant car historiquement discutable.
Relevé dans les pages de la radio du livre (extraits) :
(...) Jean-Pierre Melville d'abord réalise en 1969 "l'Armée des ombres", qui fait référence à ses propres souvenirs de résistant et à l'action de Lucie Aubrac. Ce chef-d'oeuvre sera porté par les prestations de Lino Ventura, Simone Signoret et Paul Meurisse. De ce troisième opus consacré à la vie des Français sous la domination nazie, Melville dira: "c'est un morceau de ma mémoire, de ma chair". Le film fera polémique, accusé de rouvrir les plaies mal cicatrisées de l'Occupation qui divisa le pays.
Près de trente ans plus tard, Claude Berri réalise en 1997 un film cette fois entièrement centré sur le personnage extraordinaire de Lucie Aubrac - et qui porte son nom - et l'histoire de ses faits d'armes avec son mari, Raymond Aubrac. Non seulement le film s'appuie sur le livre "Ils partiront dans l'ivresse" écrit par la résistante, mais cette dernière a été étroitement associée à l'élaboration du scénario. Servi par les interprétations de Carole Bouquet et Daniel Auteuil, le film est maintenant recommandé pour expliquer aux scolaires cette période de l'Histoire. "La Résistance n'est pas enfermée dans la seule période 1939-1945. C'est un fait constant, une réaction intellectuelle et affective aux entraves à la liberté humaine", expliquait Lucie Aubrac, dans des propos rapportés sur le site du Scéren-CNDP (centre national de documentation pédagogique), organisme dépendant du ministère de l'Education.(...)
Cette fiction est un film certes agréable, mais pas défendable historiquement. Pourquoi l'utiliser comme référence filmographique pour évoquer la Résistance ? Selon cette logique, pourquoi ne pas montrer les deux navrants téléfilms (TF1 et France 2) consacrés à Moulin et à Caluire comme des reflets de la vie des clandestins durant les années noires... ! Encore une fois, soyons sérieux.
RC |