- Arcole :
"J'ai souvent parlé avec des vétérans de diverses armées. Ils ont tous, avec le recul, la même attitude, devenue conventionnelle, et assez factice
-je ne suis pas un héros
- je ne pense pas avoir tué
- je n'ai pas de haine pour l'ennemi, et je n'en ai jamais eu.
- ceux qui étaient en face étaient de bons soldats que je respecte et admire.
C'est la langue de bois du vétéran. Une sorte de vérité officielle, qu'ils opposent aux curieux, à ceux qui n'y étaient pas.
Mais quand ils ont affaire à quelqu'un qu'ils estiment, les langues se délient, et on en entend de belles!"
C'est tout à fait vrai. Et peu nombreux sont les livres de vétérans qui mentionnent la haine de l'ennemi.
J'avais noté justement ce passage des souvenirs de Georges Elgozy :
« A n’en plus douter, la discipline fait la force principale d’une armée. En temps de paix. En temps de guerre, la force principale d’une armée, c’est la haine. Si ce n’est pas toujours la haine de l’ennemi, c’est d’abord la haine de l’ennemi.
« la haine n’est pas un bas sentiment, dit Barrès, si l’on veut bien réfléchir qu’elle ramasse notre plus grande énergie dans une direction unique. » Faute d’une fois commune – foi républicaine ou foi chrétienne par exemple – c’est la haine du nazi qui, sans toutefois nous unir, nous réunissait. Ainsi de la Résistance où se retrouvaient démocrates de tous bords et monarchistes.
La haine fut donc le sentiment le mieux partagé parmi les volontaires du C.F.A. Haine des vainqueurs de « 40 », qui asservissaient la France, pillaient ses biens, annexaient ses provinces (…)
Des deux moteurs de l’homme – haine et amour – le premier passe pour vertu fasciste, le second pour vertu judéo-chrétienne. Prescrit par les textes les plus sacrés, l’amour n’a jamais servi que l’amour, avec une efficacité assez contestable. Désarmé lui-même, il se révèle inapte à désarmer qui que ce soit : il n’est d’aucun secours contre la violence. Bien au contraire, tout témoignage d’amour, sincère ou affecté, paraît signe de faiblesse propre à encourager la brutalité des brutes. C’est la passivité sentimentale des hommes de paix qui fait la témérité des hommes de guerre.
Seule la force peut avoir raison de la force (…)
Passait à notre portée cette chance tant attendue de faire payer aux Allemands tous les malheurs dans lesquels ils plongeaient l’europe. Une haine aussi totale ne pouvait résulter que de la honte infligée par une telle barbarie ! si douloureuse que soit la haine pour qui aspire à l’amour de tout être humain, il faut bien s’y résoudre, quand même elle incite à la vengeance. Toute pitié ne retournerait pas les impitoyables contre les pitoyables. »
Cordialement
Laurent |