Tandis que Chautemps corrode de l'intérieur le cabinet Reynaud, il importe de convaincre les débris du Parlement de la triple nécessité de rester en France, de signer l'armistice et de faire appel à Pétain.
C'est la partition que se met à jouer le chef d'orchestre Laval, face au cœur de la piétaille parlementaire désemparée, avec l'aide de l'accessoiriste Marquet, qui fournit les décors et joue parfois les souffleurs. C'est ainsi que, au cri de "sauver ce qui peut être sauvé", la "Commune de Bordeaux" commence à servir de relais efficace à la fronde des militaires..
Churchill propose à Reynaud un projet d'union généreux, mais tardif et factice, comme on tend une muleta à un taureau flanchant, pour le faire avancer quelques mètres de plus. Il met ainsi Reynaud dans la position de défendre mal et sans succès une proposition de la dernière chance à laquelle le président du Conseil ne croit plus guère..
Reynaud finit par démissionner en étant persuadé que Pétain, à qui il laisse la place la lui rendra bientôt. Il se met à jouer au parlementaire au moment où il faudrait un chef de guerre, tandis que le chef de guerre présumé accède enfin à un simulacre d'investiture parlementaire.
Pétain sort vainqueur de cette journée de dupes où tout le monde a joué des cartes biseautées. La vaincue est déjà celle dont tout le monde se met à oublier les règles, la République.
Gérard Boulanger,
en prologue au chapitre consacré au 16 juin 1940. Pour le plaisir d'un texte qui concilie Histoire et style.
RC |