Sur un plan strictement technique/tactique, s'il est difficile d'employer le mot "complot" organisé pour les journées de juin 1940, on doit néanmoins constater que les éléments civils et militaires münichois, défaitistes, maurrassiens, néo-socialistes et/ou pro-fascistes (Marquet) ont - autour du tandem Pétain-Weygand- appuyé de toute leur influence pour aboutir à la solution de l'armistice.
Alors que Pétain* et Laval attendent leur heure, pendant que Chautemps démoralise les politiciens de l'intérieur, Weygand s'agite beaucoup en répandant son discours d'abandon : le 8 juin il déclare à Paul Reynaud que l'heure de l'armistice a sonné.
Recevant de Gaulle le même jour, il répond à la possibilité évoquée de poursuivre le combat dans l'Empire qu'il s'agit d'un "enfantillage".
Dix-sept jours avant l'armistice, il lui annonce déjà : "C'est fini !"Et, à un de Gaulle interdit, il ajoute : "Ah ! Si j'étais sûr que les Allemands me laisseraient les forces nécessaires pour maintenir l'ordre." Là est sa véritable obsession. (p.78)
Les 10, 11 et 12 juin, Weygand poursuit son forcing défaitiste. Le 12, au château de Cangé au cours du premier Conseil, il assomme l'auditoire par ces mots : La cessation des hostilités s'impose. La guerre est définitivement perdue. (On rappelle que c'est le commandant en chef des armées françaises qui parle...!)
Pétain et Weygand sont sur la même fréquence. Ils sont soutenus par les partisans de l'armistice que sont Jean Prouvost, Paul Baudoin et Yves Bouthillier qui assiègent littéralement Paul Reynaud.
Le 13 juin, la préfecture de Tours reçoit le Conseil suprême interallié.
L'incident à propos de la traduction trahie évoquée dans le téléfilm "Le Grand Charles" se situe là :
Boudoin qui, après avoir, au dire de l'intéressé gâché le repas de Churchill par un "flot d'huile défaitiste"" assiste à cette réunion. Aussitôt, il transforme mensongèrement un constat maladroit de ce dernier en acquiesement capitulard. "Je comprends que vous allez demander l'armistice", a dit, en colère et en français, Chruchill à Reynaud. Aussitôt, Baudoin de répandre partout que le Premier ministre britannique a alors concédé :"Je comprends que vous demandiez l'armistice." (...) C'est sans doute cet événement qui conduira de Gaulle, alors également présent au Conseil, à traiter un quart de siècle plus tard Baudoin de "faux témoin".
C'est le 13 juin que Pétain sort du bois, ses soutiens ayant préparé le terrain. Selon Boulanger, Pétain utilise un retard du Conseil pour continuer le travail de sape auprès des ministres inquiets. Il force le trait et remet une couche de noir sur le tableau qu'il dresse de la situation générale.
A 18 heures, débute le second Conseil de Cangé. Là, Bouthillier puis Pétain stupéfient le placide président Lebrun en lisant une note écrite, contrairement à tous les usages républicains.(...) Mais tandis que les seconds couteaux s'emploient avec succès à émouvoir les âmes sensibles de la galerie, c'est Pétain qui (...) frappe le plus fort. Sans plus de souci des usages républicains, lui aussi se met à lire une note écrite. Car le chef de la meute a décidé de sonner l'hallali. Pétain resté silencieux depuis l'évacuation de la capitale,lit une déclaration solennelle. Cette véritable profession de foi (...) prend rétrospectivement des aallures d'annonce de la Révolution nationale. Car, de façon ouverte, Pétain "fait sécession" : selon lui, il faut demander les conditions de l'armistice à Hitler et rester sur le sol national pour mettre en œuvre la renaissance nationale. C'est très clair.
Cordialement,
RC
*Pétain a préparé le terrain politique depuis 1938. |