.. écrit dans son livre "Résister" (Albin Michel) : " Nous étions un 27 mai, soit un mois avant Caluire.(...) Le lendemain, le jour même de la première réunion du conseil national de la Résistance qui devait se tenir à Paris et à laquelle Frenay avait refusé de participer, les MUR devaient se réunir à Mâcon. Bertie Albrecht était logée dans la planque que Frenay occupait alors, à Cluny, dans la maison d'un instituteur, un certain Gouze, dont la fille Danielle épouserait François Mitterrand. Albrecht s'était rendue seule à l'hôtel de Bourgogne à Mâcon, où Frenay, Bénouville et moi-même devions la rejoindre. Frenay, ayant dû changer ses plans au dernier moment à cause de son voyage pour Londres (...), je pris le train seulement avec Bénouville. A la sortie de la gare de Mâcon, un agent de liaison visiblement affolé nous entraîne dans une petite rue où Marcel Peck-Battesti nous apprend que la Gestapo a arrêté Bertie. Elle était assise au café (...) quand une femme est entrée, s'était approchée d'elle et lui avait soufflé:"Je viens de la part de Charvet (Frenay). Tout va bien. Vous pouvez sortir avec moi." Cette femme, EDMEE DELETRAZ, agent double et peut-être triple, et qui jouera un rôle fatal dans l'affaire de Caluire, était une Française tenue par la Gestapo de Lyon et à qui Lunel avait fourni la description physique détaillée de Bertie Albrecht. A peine sont-elles sorties du café que des agents de la Gestapo et la rouent de coups."
Et Baumel de rappeler le destin tragique de cette femme admirable dont la fille ne put jamais savoir les conditions exactes de la mort.
Par deux fois, l'agent double/triple Edmée Delétraz conduisit la Gestapo vers un lieu de réunion de responsables de la Résistance. Elle a toujours affirmé après la guerre, soutenue par ses anciens chefs de réseau Groussard en tête, qu'elle avait joué le jeu de la Gestapo sur leurs ordres... Jusqu'à participer à la trahison de Bertie Albrecht et des responsables réunis à Caluire !?! Vous m'excuserez, mais il y a là quelque chose de trop énorme pour que j'avale cette "explication". Dans le déroulement de la journée qui aboutit à l'arrestation de Caluire, Edmée Delétraz a toujours maintenu qu'elle avait essayé de contacter des gens de la Résistance... Je veux bien, mais elle a tout de même filé Hardy et les résistants convoqués cher le docteur Dugoujon pour désigner sa maison aux hommes de Barbie. Elle aurait pu VRAIMENT tenter quelque chose, donner l'alarme, faire semblant de ne pas retrouver l'adresse, etc. Si on ajoute à ce comportement coupable le fait qu'aucun guetteur ni membre des groupes de protection ne surveillait la villa du docteur, on est abasourdi par cette succession d'imprudences et d'actes irresponsables, voire criminels.
Amicalement,
René Claude |