Bonjour,
Le mérite du livre de Jacques Baynac est de mettre le doigt sur quelques unes des pistes "oubliées" par les enquêteurs et les chercheurs.
Le cas Aubry, par exemple.
Voilà un cadre de Combat qui porte une part de responsabilité indéniable dans le chute de Jean Moulin et pourtant, il fut comme amnistié après la Libération par les juges, par ses compagnons et par la mémoire.
Suivons Baynac :
C'est l'ensemble de l'attitude d'Aubry, avant comme après Caluire, qui apparaît étrange.
Que dire de son incompréhensible conduite à propos du rendez-vous Hardy-Delestraint, sinon qu'elle est d'autant plus supecte que c'était lui qui, le 24 mai, lors d'une réunion de Gastaldo et Delestraint, avait décidé qu'Hardy irait les rejoindre à Paris ?
Comment expliquer son comportement bizarre ensuite, décrit par Mme Raisin comme très perturbé, un état qui l'amenait, comme il l'a dit lui-même, à oublier un rendez-vous avec Defferre ?
Comment expliquer sa soumission à la Gestapo après Caluire, quand, après avoir été maltraité, il fit des déclarations consignées en cinquante-deux pages, accepta de diriger un faux journal clandestin, puis être libéré sous contrôle allemand (audition Aubry du 5 avril 1949), liberté relative dont il ne profita pas pour vite disparaître et rejoindre ses anciens amis, attendant la Libération pour confesser ses fautes à Raymond Aubrac, alors commissaire de la République à Marseille, lequel, avec une magnanimité tranchant sur son acharnement envers Hardy, se borna à lui demander "d'essayer de se racheter" ?(...)
Comment ne pas partager la discrète suspicion de François-Yves Guillin qui, dans sa biographie de son ancien chef et ami, le général Delestraint, fait grand cas du témoignage d'un déporté, Jean Sussel, selon lequel, à Dachau, le chef de l'A.S. lui avait révélé avoir "été arrêté sur dénonciation d'une personne assez importante de son entourage immédiat, qui avait assisté à son interrogatoire à la Gestapo et à qui l'officier interrogateur allemand avait remis une enveloppe pour le prix de ses services", aucune de ces précisions ne pouvant concerner Hardy ?
(p.367-368 in "Les secretsde l'affaire Jean Moulin")
On sait qu'il ne faut jamais prendre un témoignage pour argent comptant et que cette affaire de Caluire est pleine de zones d'ombres; il n'en demeure pas moins que le parcours d'Aubry, les conditions de son retournement et ses conséquences n'ont pas été étudiés comme le furent les faits et gestes d'Hardy dans le cadre de Caluire.
Bien cordialement,
RC |