Revenons-en au 17 juin 1940, moment où le gouvernement de Bordeaux commence à réfléchir à la composition d'une délégation pour négocier un armistice.
Si la direction politique allemande n'a aucune inquiétude quant à la stabilité du pays ni à la sienne propre, et peut donc au mépris de toute tradition aller parader quelques heures à Rethondes, en une mise en scène spécifiquement hitlérienne, avant de laisser Keitel diriger les débats, à Bordeaux il n'est pas question de faire bouger des ministres en train de s'installer, dans une situation chaotique. Parmi eux, les plus gradés des militaires, notamment Weygand et Darlan. Le général présidant la délégation sera donc choisi parmi les gradés immédiatement inférieurs. Huntziger est l'un d'eux. Il a laissé à Corap (et à Gamelin) le chapeau (ou le képi) du désastre de Sedan. Weygand l'a maintenu, et même promu. D'autre part, il a été le candidat à la succession du même Weygand proposé par de Gaulle à Reynaud, il semble fort qu'il ait pendant quelques heures accepté puis, Reynaud ayant fait volte-face, il doit se racheter par un surcroît de zèle.
Je n'ai pas de lumières spéciales sur des débats ayant présidé à sa nomination, ou des concurrents qu'il aurait supplantés, et je ne sais si quelqu'un en a. En attendant, et en approchant le problème par voie indirecte, il avait d'une part le rang requis, d'autre part un besoin de se racheter qui en faisait un partisan de l'armistice en qui Weygand et Pétain pouvaient avoir toute confiance. Notamment pour avoir une attitude diamétralement opposée à celle du "déserteur" de Gaulle.
Enfin, ayant une bonne connaissance des questions coloniales, sa désignation était du meilleur effet pour faire admettre la capitulation du pays aux gouverneurs de l'Empire -enjeu majeur de l'opération.
Enfin de enfin, il devait être l'un des rares parmi ses pairs à parler couramment l'allemand et cela pouvait s'avérer crucial. |