Bonjour,
Rapporté par Edward Spears, Le Chute de la France - Témoignage sur une catastrophe
- Le 13 juin 1940, au soir des tumultueuses réunions où partisans et opposants à l'armistice se déchirent, après le Conseil interallié et la rencontre Reynaud / Churchill, ... Georges Mandel [*] confie à Edward Spears le compte-rendu et ses impressions (extraits où il est question de Mme de Portes) : (...) La porte s'ouvre, c'est Reynaud lui-même qui entre. (…) La mine de Reynaud est effroyable. Il est blême et figé dans une attitude étrange, artificielle. Il ne dit rien, reste debout dans la demi-obscurité, près de la porte. "Avez-vous des nouvelles?" demande-t-il finalement à Mandel. "Non" "Et Paris?" - "Rien."
Pensant qu'il veut parler à Mandel seul, j'offre de me retirer, mais il secoue la tête et regarde le téléphone sur le bureau. S'il a voulu téléphoner, il change d'avis, tourne les talons et s'en va. Il n'était pas parti depuis cinq minutes que Mme de Portes apparaît.
Mandel et moi la regardons, stupéfaits. Nous sommes si surpris que nous ne pensons même pas à nous lever. C'est à peine d'ailleurs si nous en aurions le temps. Sa face avait la seule expression que je lui aie jamais vue, agressive, haineuse. Elle jette un coup d'œil autour de la pièce, cherchant évidemment Reynaud. Ses yeux perçants furètent partout, dans tous les coins, sous la table même, comme si le Président avait pu se réfugier là, puis elle se retire à reculons comme un malfaiteur qui bat en retraite en tenant en respect les habitants de la maison. La porte est à peine fermée que Mandel dit : "Elle a eu, aujourd'hui, une sinistre influence." Répondant à sa pensée, je lui dis à quel point j'ai été horrifié par le changement d'attitude de Reynaud, depuis le matin. Mandel explique : "Il est très influençable."
- Le 16 juin 1940, à la veille de la demande d'armistice, lors d'une conversation entre Reynaud, Biddle (ambassadeur des Etats-Unis) et Edward Spears (représentant de Churchill) : Mme de Portes avait ouvert la porte, à diverses reprises, pendant la conversation. Nous l'avions vue, dans la pièce des secrétaires, pendant que nous attendions d'être reçus par Reynaud. Elle parlait à très haute voix, allant de l'un à l'autre mais, bien entendu, sans paraître nous voir.
Maintenant, quand elle se montrait, elle ne dissimulait pas son impatience de nous voir encore là, tapant du pied et fermant la porte sans douceur. A l'occasion de sa dernière intrusion, elle fit des grimaces à Reynaud, comme si elle avait à lui dire des choses d'importance vitale. L'ambassadeur et moi, nous nous regardâmes, irrités et choqués à l'extrême, mais nous parvînmes à retenir les remarques qui nous venaient aux lèvres.
Bien cordialement,
Francis.
[*] Benoist-Méchin au tome 3 de " Soixante jours qui ébranlèrent l'Occident", indique en note de bas de page 450 : Le conflit était devenu si aigu entre madame de Portes et Mandel que, dans l'exaspération des journées de Bordeaux, celle-ci cherchait des hommes de main pour faire abattre le ministre de l'Intérieur. |