Comme je le rappelais
dans mon article, les exportations massives se sont poursuivies durant la famine. Elles étaient partie intégrante du processus ayant abouti à cette catastrophe, dans la mesure où elles étaient censées faciliter, dans le même temps, l'acquisition de matériel moderne qui, lui-même, permettrait à l'économie soviétique d'atteindre les résultats du plan quinquennal.
Cette obsession était telle que Staline, dans un télégramme à Kaganovitch et Molotov du 18 juin 1932, proposa même une augmentation du plan de collecte de 4 à 5 %, pour maintenir les exportations à un niveau appréciable (1.7 million de tonnes en 1932). Cette décision faisait fi de l'absence de réserve agricole découlant de prélèvements effectués sur la récolte (mauvaise) de 1931 en vue d'alimenter... les exportations ! Ce plan de collecte, aux dires de Sergueï Kirov (le proche collaborateur de Staline dont l'assassinat, en 1934, constitua un prétexte au lancement de la Grande Terreur), était bel et bien
"la pierre de touche de notre force ou de notre faiblesse, de la force ou de la faiblesse de nos ennemis". Mais il mettait la population à la merci d'une mauvaise récolte. Ce qui fut le cas en 1932, du fait d'un climat exceptionnellement humide.
Staline maintint le cap de cette politique. De fait, alors que la famine faisait rage, les stocks ne furent pas débloqués à destination de la population avant janvier 1933. Mais l'aide accordée aux zones sinistrées restait dérisoire : 320.000 tonnes à peine, alors que les exportations étaient cinq fois supérieures.