Bonsoir,
Laurence Rees, directrice des programmes historiques de la BBC, s'attacha particulièrement à l'histoire du IIIe Reich. Laurence Rees publia, en 2005, un remarquable livre sur Auschwitz [*]. L'ouvrage s'appuie sur les travaux des meilleurs historiens mais aussi sur les nombreux témoignages recueillis auprès des acteurs aussi bien les bourreaux, les survivants que les .... "spectateurs" allemands ordinaires.
Les Allemands savaient-ils ? Témoignage ! Uwe Storjohann, alors âgé de 16 ans, faisait partie de ces Hambourgeois qui regardèrent les Juifs passer : "Environ 20% des gens accueillirent cet événement avec une joie immense en disant "Grâce à Dieu, ces bouches inutiles disparaissent" ou "Ce ne sont que des parasites", et ils applaudissaient. Mais la grande majorité fit mine de ne rien voir et garda le silence. Et c'est cette grande masse de la population qui, après la guerre, devait dire: "Je n'en savais rien; nous n'avons rien vu." Leur seule réponse, a été de tourner la tête. » Un des amis d'Uwe Storjohann était en partie juif, et il dut faire ses adieux à sa tante préférée et à sa grand-mère de "façon déchirante". Son ami n'ayant qu'un quart de sang juif était autorisé à rester alors que, juives à 100%, sa tante et sa grand-mère devaient partir. Face à ces scènes de désespoir, un sentiment "obséda" Uwe Storjohann : "Celui de remercier Dieu de n'être pas né juif. Remercier Dieu de ne pas être des leurs. On aurait pu aussi bien naître juif parce que personne ne choisit ses parents. Et ça aurait été son tour d'être déporté. De devoir circuler avec l'étoile jaune. Aujourd'hui encore, je me le rappelle... Immédiatement, poursuit-il, la pensée m'est venue: que va-t-il leur arriver? Et je savais, bien sûr, après tout ce que j'avais entendu, que ce ne pouvait être rien de positif, rien de bon. On les expédiait d'une manière ou d'une autre dans un monde terrible."
La question de ce que les "Allemands ordinaires" savaient du sort des Juifs a suscité une immense controverse. Mais l'aveu d'Uwe Storjohann - il savait que les Juifs allemands étaient envoyés dans un monde terrible - rend probablement assez bien l'état d'esprit de la plupart des Allemands à l'époque. Les Juifs ne revenaient pas, ils le savaient. Dans les rues de Hambourg, on vendait l'équipement ménager abandonné par les familles juives. De même, maints "Allemands ordinaires" savaient qu'à l'Est il arrivait de "sales choses" aux Juifs.
Bien cordialement,
Francis.
[*] Laurence Rees, Auschwitz - Les nazis et la "solution finale", Albin Michel, 2005. Réédité dans la collection "Le Livre de Poche" en septembre 2008 (origine de l'extrait p.116 et 117)
Laurence Rees est également l'auteur d'un livre plus récent, " Ils ont vécu sous le nazisme". Une recension par Nicolas Bernard. |