Je ne connais pas bien le sujet mais il me semble que vous allez un peu vite en besogne en affirmant ou en sous-entendant que les "Allemands ordinaires" connaissaient le sort des Juifs arrêtés, à savoir leur extermination.
Le témoignage d'Uwe Storjohann ne dit d'ailleurs pas cela. Les Allemands ont certes assisté à la mise en place des mesures discriminatoires et aux persécutions antisémites. Ils savaient que les Juifs étaient emmenés dans des camps. Le reste me semble nettement moins évident.
Il est possible que les "Allemands ordinaires" ne réalisaient pas - ou ne voulaient pas réaliser - l'ampleur du persécutions entreprises à une échelle industrielle. Uwe Storjohann ne le dit pas mais ajoute qu'il s'agissait d'un départ sans retour et qu'à l'Est, il arrivait des "sales choses" aux Juifs. Les Juifs ne revenaient pas,
ils étaient envoyés dans un monde terrible, ajoute-t-il et de raconter qu'après leur départ on vendait l'équipement ménager abandonné par les familles juives.
Reproduisons un rapport de la SD (Sicherheitsdienst), venant de Franconie, au sud de l'Allemagne, daté de décembre 1942 :
A l'heure actuelle, l'une des principales causes de malaise, parmi ceux qui restent attachés à l'Eglise et dans la population rurale, tient aux nouvelles qui arrivent de Russie et font état de l'exécution et de l'extermination des Juifs. Dans ces couches de la population, ces nouvelles suscitent souvent une vive inquiétude et de fortes préoccupations. Suivant une opinion largement répandue, il n'est pas du tout certain que nous gagnerons la guerre, et si les Juifs reviennent en Allemagne, leur vengeance sera terrible.
Remarquons la dialectique de ce rapport :
- une partie de la population était préoccupée ? Peut-on raisonnablement penser que le monde rural était mieux informé que les citadins ?
- inquiétude non sur le sort des Juifs mais inquiétude sur l'issue de la guerre.
Bien cordialement,
Francis.