Burundi 1972. Au bord des génocides, un ouvrage paru cette année aux éditions Karthala traite du voisin du Rwanda, le Burundi, lequel a failli succomber en 1972 à une double-tentative de génocide émanant aussi bien des Hutus que des Tutsis (minorité au pouvoir). Ses deux auteurs, Jean-Pierre Chrétien et Jean-François Dupaquier, démontrent que les cycles de violences qui ont dévasté en diverses occasions l'Afrique des Grands Lacs, et en particulier le Burundi et le Rwanda, résultent moins d'une mentalité africaine dégénérée,
"propre aux civilisations d'Afrique noire", que de situations spécifiques aux pays considérés.
Rwanda et Burundi ont raté leur décolonisation. Dans l'un et l'autre cas, un régime autoritaire et mafieux a été mis en place, et afin de maintenir sa prépondérance politique a monté une ethnie contre une autre, Hutus contre Tutsis. D'où une mémoire nationale savamment reconstruite de part et d'autre, et fondée sur l'antagonisme. D'où également des cycles de violences qui exploseront au Burundi en 1972 (une rébellion hutue vise l'extermination des Tutsis au sud du pays, la contre-insurrection tutsie cherchant à éradiquer les élites hutues en représailles) et au Rwanda vingt-deux ans plus tard, selon un schéma dramatiquement similaire : domination d'un gouvernement mafieux, racisme exacerbé de part et d'autre, instrumentalisation de ce racisme par des groupes de pression pour expliquer les échecs du régime (panne économique au Burundi, guerre civile au Rwanda), jeu trouble des Etats voisins (Tanzanie, Congo, Ouganda) et des grandes puissances (et en particulier la Belgique et la France). Dans les deux cas, le génocide relève d'une démarche préméditée, qui ne correspond en rien à un mouvement collectif spontané.
A toutes fins utiles, je signale qu'en 1997, Jean-Pierre Chrétien a publié
son article Interprétations du génocide de 1994 dans l'histoire contemporaine du Rwanda, lequel permet de se faire une idée assez précise du débat sur les origines du génocide rwandais.