Bonjour,
Rappel des faits :
Dans la nuit du 28 au 29 juin 1944, sur ordre de Touvier, sept otages juifs sont exécutés à Rillieux-le-Pape en représailles de l'assassinat de Philippe Henriot (le 28 juin).
Quelques déclarations de Touvier
- confié, en 1989, à Claude Flory, "
Touvier m'a avoué"
J'étais à Vichy le 28 juin 1944 lorsqu'on a assassiné Philippe Henriot à Paris. Je ne l'ai pas appris tout de suite. On n'avait pas les postes transistors, on n'avait pas tout ce que l'on a maintenant à cette époque-là. Je suis rentré en voiture de Vichy à Lyon dans la matinée. Je suis arrivé à Lyon vers 13 heures de l'après-midi. En descendant de voiture, un homme de mon service est venu et m'a dit: "Le chef de Bourmont vous demande". De Bourmont était le chef Régional de la Milice à Lyon. (...) Je vais au Progrès où se trouvaient ses bureaux, je trouve un de Bourmont décomposé. Il me dit: "Les Allemands veulent faire des représailles. Je leur fait comprendre que c'était monstrueux et finalement... finalement, j'ai été obligé d'accepter de faire fusiller trente personnes.
- confié à la fin des années 50 au père Blaise Arminjon et publié dans "
Le Monde" du 27 novembre 1992.
"Par son intervention, de Bourmont avait fait réduire le nombre des otages de cent à trente. Par mon action personnelle, il fut encore réduit de trente à sept (...). C'est parce que je me suis trouvé à mon poste le 28 juin que vingt-trois otages furent encore sauvés. Voilà le résumé exact de ce drame atroce. Je n'ai cédé qu'à l'inévitable".
- in "
Vichy, un passé qui ne passe pas" (Éric Conan et Henry Rousso) :
"La mort de Henriot, c'était énorme ! C'était horrible, pour nous, que ce soient les Allemands qui vengent Henriot"
Nous savons que le procès controversé opposera le tenants de la thèse estimant que Touvier et la Milice auraient exécuté les sept otages de leur propre initiative et ceux estimant que Touvier aurait agi sur ordre des Allemands.
Comme le précise Nicolas Bernard, rappelons que la seconde thèse est considérée comme un "crime contre l'humanité" (et donc imprescriptible) tandis que la thèse du meurtre à la seule initiative de la Milice est considéré comme un "crime de guerre" (pour lequel il y a prescription) .
Paradoxalement, Maître Arno Klarsfeld, plaidant à charge, prendra le risque de démontrer que la Milice n'a pas agi sous la contrainte des Allemands, soit le "crime de guerre". L'avocat s'en explique en cours de plaidoirie :
"En acceptant la thèse de l'intervention allemande, vous ne feriez pas seulement de la Milice l'exécutant des basses oeuvres de la Gestapo, mais aussi un bouclier protégeant les Français contre les exigences allemandes, un complice entre deux feux enclin à diminuer le nombre des victimes de la Gestapo. C'est à la hauteur de la peine que vous infligerez à Touvier que l'on mesurera si le peuple français porte un regard plus indulgent sur les crimes commis pat un Français de la Milice que sur les crimes commis par un Allemand de la Gestapo".
Responsabilité des Allemands ou responsabilité de la Milice ?
Le réponse de Nicolas Bernard :
Il est évidemment exclu que les Allemands n'aient pas été avertis. Touvier a prétendu que le chef local du S.D., Werner Knab, avait requis la suppression physique de cent otages - puis trente. Touvier aurait obtenu de ramener ce chiffre à sept, ce qui lui permettra de prétendre par la suite avoir sauvé 23 personnes... qui n'étaient pas entre ses mains. S'il faut rejeter l'idée que Touvier ait agi sur ordre allemand - si ordre il y avait, Touvier n'aurait pu négocier - on ne peut toutefois exclure que le chef milicien ait répondu à une demande émanant des Allemands. J'en veux pour preuve la religion des otages fusillés, qui témoigne d'une volonté allemande : les miliciens n'auraient pas ressenti une telle subtilité, ils auraient fusillé des otages résistants.
La réponse de Henry Rousso et Eric Conan, "
Vichy, un passé qui ne passe pas" :
Il apparaît bien en réalité que l'assassinat des sept otages de Rillieux est directement et exclusivement imputable à la seule Milice, qui a voulu ainsi venger la mort de Philippe Henriot, milicien lui aussi, dont les nombreux discours radiodiffusés stigmatisaient alors avec force et virulence la nécessité impérieuse de défendre la Révolution nationale face à ses ennemis, thème essentiel de l'idéologie milicienne.
Bien cordialement,
Francis.