Bonjour Jean-Robert, bonjour à tous
Sur la forme, "nous avions pourtant une armée magnifique" relève à mon sens de ce que j'ai qualifié sur un autre forum de "posture un tantinet excessive", parce qu'un retour de balancier dépasse toujours le juste équilibre recherché (cf le même type "d'excès" concernant le dossier italien). Il n'empêche que sur le principe certaines choses méritaient et méritent encore vraiment d'être remises en place.
Marcel Clausewitz écrivait: "La guerre consiste à sonder des forces physiques avec des forces morales". Une grande partie du débat se trouve là. Les forces physiques, la "petite" France - démographiquement parlant - en dispose relativement plus que son adversaire. L'effort est indéniable même si les lacunes sont très nombreuses. Or concernant l'armée française, tout, équipement, moral, doctrine, commandement a été indistinctement dénigré par quasiment tout le monde depuis 1940 parfois sur des bases absolument biaisées. Voilà bien un point sur lequel Gaullistes et Pétainistes firent preuve d'un bel unanimisme ou peu s'en faut.
Exemples:
La France avait-elle moins de chars ? Oui selon les rapports du 2e bureau français et dans l'imagerie populaire. Paraphrase du Général: "L'ennemi s'en était doté, nous pas" Factuellement, c'est absolument faux.
Nos chars étaient-ils inférieurs aux allemands ? Oui bien sûr si on procède par comparaison des derniers FT-17 encore en service avec les rares Pz-III et IV qui commencent à équiper la panzerwaffe (j'exagère à peine). Non si on considère en détail le parc matériel des deux armées.
L'armée française était-elle sous-motorisée ? Avec 4 DCR, 3 DLM, 7 DIM et 6 DLC semi-motorisées face à 10 panzer et 7 ID mot, c'est quantitativement inexact là encore.
La doctrine d'emploi des blindés était-elle fausse ? Même ce point mérite largement l'examen. Elle n'est pas si éloignée de celle qui prévaudra dans le camp anglo-saxon au cours des deux dernières années de la guerre (en beaucoup plus aboutie et avec des moyens démultipliés bien sûr)
La ligne Maginot était-elle inutile et couteuse ? Il s'est agi d'un choix défensif cohérent et en partie efficace si on examine de près le contexte géostratégique et notamment à la lumière de la "leçon" apprise en août 1914.
Etc...
Plus qu'un "petit" courant de réhabiliation, il s'agit d'une tendance assez répandue mais parfois inaudible à examiner de beaucoup plus près les terribles journées de mai et juin. Les petits "trucs" inhérents à la presse et destinés à accrocher le public faisant le reste ("Exclusif: L'armée française gagne la guerre de 40 ! - pour caricaturer un peu. Qui ne manie pas un peu cette arme là ? ;-) ).
Plus sérieusement, les différentes études de l'historien américain Jeffrey Gunsburg ou encore le colloque "La campagne de 1940" dirigé par C. Levisse-Touzet et édité chez Tallandier il y a quelques années apportent en ce sens beaucoup de précisions et de corrections à certaines idées reçues.
On peut citer l'exemple de la question du "moral des troupes" examiné par J-L Crémieux-Brihac. Sont mis en perspective notamment la fameuse lettre d'Hitler à Musso le 25 mai 40: "Des unités mauvaises côtoient des unités excellentes. La différence de qualité entre divisions d'active et divisions de réserve est extraordinaire. Beaucoup de divisions d'active se sont battues désespérément ; Les unités de réserve, en général, supportent beaucoup moins bien le choc qu'exerce la bataille sur le moral des troupes." Et l'auteur de l'article d'ajouter: "Même dans les unités tenues pour médiocres et dont certains éléments se sont effondrés, tout officier doué d'autorité, payant d'exemple et résolu à s'accrocher au terrain a été suivi par ses hommes jusqu'à ce que toute résistance paraisse impossible. On l'a vu près de Sedan dans certains bataillons de la 71e DI dont on a répété qu'elle s'était "volatilisée".
Or, parmi de nombreux autres points, ce fameux "effet de choc" subi à la fois par le commandement et une partie de la troupe - et largement dû à l'aviation d'assaut allemande (voir ce qu'en dit M. Bloch) - a rarement été évoqué autrement que par le lapidaire et célinien "La guerre ? Neuf mois de belotte, six semaines de course à pied" ou autre "A Verdun, NOUS, on a tenu". Il s'agit pourtant d'un des éléments fondamentaux de la guerre moderne.
Etc, etc...
Amicalement
Vincent |