Plutôt que de devoir de mémoire, il faudrait parler de devoir d'intelligence. Celle des contemporains d'un événement, qu'ils en aient été acteurs ou spectateurs, est forcément limitée par les émotions que celui-ci a suscité,qui ont produit dans certains cas l'admiration, dans d'autres l'horreur, dans tous la fascination.
S'en tenir à la mémoire, et aux condamnations qu'elle paraît appeller, c'est s'interdire de comprendre et, par conséquent, s'exposer à voir se renouveler, sinon même à reproduire soi-même ce que l'on a condamné.
Condamner la torture, par exemple, est facile ... mais sans portée réelle. Il faut comprendre le mécanisme qui conduit des hommes à y recourir et fait deux types de victimes: celui qui a été torturé et le tortionnaire. Je pense, en écrivant cela, à un officier de renseignements rencontré en Algérie, qui me disait son désarroi d'employer des moyens (baignoire ...), dont lui-même avait été l'objet, quelques années auparavant, de la part de la Gestapo.
L'intelligence demande d'autant plus d'efforts que son résultat est toujours dérangeant. Quand réalisera-t-on, par exemple, que les bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagazaki ont été des fours crématoires perfectionnés dans lesquels des dizaines de milliers de victimes ont été jetées vivantes? Que les raisons de Truman, le donneur d'ordre, n'étaient pas, au fond, si éloignées de celles qui ont mené les dirigeants nazis à programmer la "solution finale"; que ceux qui ont exécuté ses ordres, à tous les échelons, n'ont pas eu plus mauvaise conscience qu'Eichmann et tant d'autres? |
Devoir d'intelligence de 
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