Bonjour à tou(te)s,
Le mardi 11 juin, Churchill se rend en France où doit se tenir une séance du Comité suprême. Le gouvernement français a quitté Paris et personne ne sait où il s'est réfugié. Après bien des recherches, les Britanniques apprennent que c'est à Briare.
Le voyage et l'arrivée à Briare narrés par Edward Spears:
*** Après bien des changements d'heures, nous prîmes finalement le départ à 14 h 30, dans le Flamingo. Il était escorté par douze Hurricane. Dans l'avion, il y avait Anthony Eden, le général Dill, Pug Ismay, le général Lund, le capitaine Berkeley, adjoint de Pug et merveilleux interprète, et moi.
N'ayant aucun papier à étudier et mon rôle éventuel dépendant de l'issue de la conférence, j'eus tout le temps de jouir du spectacle des évolutions gracieuses de nos escorteurs. Je me demandais ce qui se passerait exactement, si nous étions attaqués. C'était curieux de se trouver engagé dans cette semi-opération de guerre, assis dans un fauteuil des plus confortables. Mais ces plaisantes impressions ne durèrent qu'un instant. Le paysage-jouet que nous survolions cessa d'être amusant à suivre de l'oeil, en cherchant des localités connues, dès que je me souvins, dans un sursaut, que ce n'était que la devanture d'une maison en flammes, prête à être engloutie elle-même par l'incendie. Ma femme et son ambulance étaient là, quelque part, mais sûrement beaucoup plus près de la conflagration et, peut-être, en plein milieu. Je fis un effort pour oublier toutes ces pensées déprimantes.
Winston broyait du noir dans son fauteuil, les yeux sur l'horizon. De temps à autre, il faisait signe à l'un de nous, posait une question, puis retombait dans son silence.
Eden et Dill restaient presque constamment, tête contre tête, penchés sur d'interminables tableaux et colonnes de chiffres. Quelles figures sympathiques d'hommes racés, pensais-je, en dépit de leurs sourcils froncés. Ismay aussi avait une énorme quantité de dossiers dans sa serviette. Il ne quittait pas un instant ses papiers des yeux, sauf quand il était appelé par Churchill ou par Dill; il levait alors la tête, les yeux écarquillés, la main en cornet derrière l'oreille pour entendre malgré les vibrations de l'appareil et souriait dès qu'il avait saisi ce qu'on lui demandait.
Nous arrivâmes à Briare à la fin de l'après-midi après un détour considérable. Les terrains d'atterrissage donnent rarement l'impression d'être surpeuplés mais celui-là paraissait particulièrement désert. Winston, en noir, appuyé sur sa canne, s'avançait, tout souriant, comme s'il avait laissé toutes ses préoccupations dans l'avion, étant arrivé à cet instant précis à l'endroit du monde qu'il souhaitait justement visiter. Il donnait l'impression que ce long voyage valait la peine d'être fait, puisqu'il aboutissait si heureusement à Briare !
Moi, par contre, je trouvais l'endroit misérable et j'espérais ne jamais le revoir. Le fait que mon voeu a été exaucé ne m'en a pas laissé un souvenir plus indulgent.
Trois ou quatre voitures s'avancèrent l'une après l'autre et Churchill partit le premier avec un colonel qui donnait l'impression de recevoir des parents pauvres arrivant pour suivre un enterrement. ***
Bien cordialement,
Francis. |