Mais le colonel Groussard ne restera pas longtemps à la tête de son CEI.
C'est lui qui fut chargé de l'arrestation de Pierre Laval le 13 décembre 1940. A ce moment-là, il est persuadé, comme le rappelle Belot, que le gouvernement français suit une "politique de dignité". Déat a aussi été arrêté.
Belot :
A suivre Groussard, c'est essentiellement le ministre de l'Intérieur Peyrouton qui décide, avec l'accord de Pétain, de se débarasser de son vice-président du Conseil... Groussard tente d'expliquer dans ses Mémoires que Peyrouton réagissait ainsi contre le projet des Allemands, soutenu par Laval, tendant à ce que les Français montent une expédition pour reprendre le Tchad qui venait de tomber entre les mains des gaullistes. Le colonel ne mentionne pas la lettre que le Maréchaé écrit à Hitler pour justifier son geste. Dans cette lettre manuscrite, en possession de laquelle le général La Laurencie a été mais qu'il n'a pas remise à Stülpnagel faute d'ordre, il se trouve ceci :
"Après les entretiens de Montoire qui ont fait naître en France de grandes espérances, je reste plus que jamais partisan de la politique de collaboration, seule susceptible d'assurer à l'Europe une paix définitive que Votre Excellence et moi avons le ferme désir de réaliser."
Grand héros de cette journée du 13 décembre, Groussard allait en devenir la première victime. Les Allemands exigent immédiatement la dissolution de son organisation. Le maréchal Pétain cède très docilement à cette intrusion "étrangère", et Peyrouton n'envisage même pas de démissionner. Il attendra le 14 février 1941 pour quitter le ministère de l'Intérieur (il rejoindra, plus tard, Giraud). Groussard est impitoyablement lâché, comme La Laurencie, et on lui conseille de s'incliner. Il est à présent édifié sur la capacité de "résistance" des autorités vichystes et leur sens de la dignité. (p.202)
Plus loin, Robert Belot ajoute concernant l'incontrôlable colonel :
Dans ses Mémoires, le colonel tente d'expliquer son regret de n'avoir pu ainsi créer "le noyau dune résistance rigoureusement disciplinée et apolitique". Force est de remarquer que son intitiative n'était nullement "apolitique", même si Groussard a pu croire dans ce mirage savamment entretenu par Pétain et son gouvernement. (...) Dans une partie de ses Mémoires (supprimée dans sa deuxième édition), Groussard commence à comprendre que le Pétain REEL n'est pas celui de son IMAGINAIRE :
"A cours de cette période 40-42, le Maréchal ne croyait pas pour autant à la défaite du Reich, Obnubilé par la puissance militaire allemande, il a raisonné alors comme un technicien ne considérant que les faits et les chiffres et, pendant plus de deux ans, au fond de lui-même, il n'a vu aucune possibilité de revanche."
Belot pose la question : peut-on parler de "résistance" pour Groussard ?
Difficile de répondre positivement. D'abord, on ne voit pas en quoi son action a été anti-allemande.(...) Groussard a essentiellement tenté de lutter contre ceux-là mêmes que l'occupant avait en ligne de mire. En réalité, c'est d'abord la politique d'épuration intérieure du gouvernement qu'il a servie, avec la caution du régime. Enfin, son action n'a pas réellement été clandestine, mais PARALLELE. Elle est clandestine pour l'occupant, mais pas pour le gouvernement de Vichy. (p.204-205)
A suivre...
Une note perso : après tant de thèses alambiquées, de réécritures partisanes et de dérives hyper-hyper critiques, l'essai de Robert Belot est exemplaire : précis, documenté, accessible et CLAIR. Un bonheur, quoi !
RC |