Bonjour,
Dans mes previews pour les documentaires de la TV suisse francophone, j'ai visionné un bon film de Jean-Michel Rodrigo consacrés aux Démineurs. (titre du docu coproduit par France 3 Rhône-Alpes)
Aujourd'hui encore, des cultivateurs, des propriétaires de villas ou des citadins dans leurs caves tombent sur des munitions, dangereux souvenirs des trois guerres qui ensanglantèrent la France en moins d'un siècle.
Fin 1944 et début 1945, alors que la 1ère Armée de De Lattre se bat contre la Wehrmacht à l'Est, Raoul Dautry(*) le ministre de la Reconstruction du gouvernement provisoire du général de Gaulle, doit prendre des mesures urgentes contre les mines qui causent chaque jour des accidents mortels, fauchant plus particulièrement des enfants qui désobéissent aux consignes de prudence. C'est Raymond Aubrac qui est désigné pour traiter ce lourd et urgent dossier. Personne n'étant volontaire, le ministre désigna le plus jeune de ses collaborateurs. Raymond Aubrac à alors 31 ans. Il doit organiser au plus vite une vaste opération pour déminer le pays et pour cela il lance une campagne d'appel aux volontaires... qui dans un premier temps ne se bousculèrent pas. Cette pénurie de démineurs volontaires le poussa à proposer l'utilisation des prisonniers de guerre de la Wehrmacht. Dans le film, il justifie son choix par deux arguments :
1. Ce sont les soldats allemands de l'armée d'occupation qui posèrent les mines. Moralement, il lui semblait juste de les mettre en première ligne du déminage.
2. Ils connaissaient leurs mines et les modes d'utilisation bien mieux que les démineurs français.
Mais dans un premier temps, cette suggestion choqua les Alliés qui estimaient qu'une telle utilisation des prisonniers pourrait contrevenir aux lois encadrant le statut de prisonniers de guerre. Mais face à l'urgence, ils cédèrent et Raymond Aubrac put former des équipes mixtes prisonniers allemands et volontaires français. Ces intervenants furent souvent des anciens maquisards et des militaires de retour du front et non pas, comme on l'a dit parfois, des droits communs ou des collaborateurs condamnés.
Un coup de chance vint en aide aux équipes de Raymond Aubrac. Au cours des derniers combats dans Berlin, des soldats de l'Armée rouge récupérèrent intactes les caisses d'archives de la Wehrmacht contenant tous les plans permettant de localiser les champs de mines sur le territoire français.
Cette manne dûment rapatriée permettra d'accélérer la campagne de déminage en économisant la vie des démineurs. Sur le terrain, les prisonniers allemands devaient repérer et indiquer clairement les mines en attendant qu'elles soient neutralisées par les démineurs français.
Dans l'entretien du film, Raymond Aubrac ne nie pas la "casse". Entre fin 1944 et 1947, plus de 17 millions (!) de mines furent neutralisées pour un coût élevé sur 1200 chantiers mobiles : 2500 tués et 5000 blessés. Il leur rend hommage.
(Les plans trouvés par l'Armée rouge limitèrent réellement les accidents.)
Cordialement,
RC
(*) Du 16 novembre 1944 au 20 janvier 1946, il est ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme, appelé par le général de Gaulle dans ses 3e et 4e gouvernements provisoires.
Sur le site les Annales, la bio de Raoul Dautry : |