... que Franco
voulait rejoindre l'Axe. Oh, certes, ce redoutable manoeuvrier jouait sur les deux tableaux, mais en 1940, il n'en était pas moins tenté de prendre le train en marche. Contrairement à la légende, c'est le
Caudillo qui était demandeur à Hendaye, et il se serait lancé dans le conflit si Hitler n'avait pas tempéré ses ardeurs (voir François Delpla,
Montoire, Albin-Michel, 1996, p. 198-210 et 251-260 - voir l'article :
). Ce dernier avait même refroidi son homologue espagnol en insistant lourdement - début octobre 1940 - sur la nécessité de laisser l'armée allemande occuper les Canaries... Un site que le
Führer savait pourtant peu défendable.
L'intention de Hitler n'était pas d'obtenir l'entrée en guerre de Franco. Elle aurait certes accablé l'Angleterre, mais par trop inquiété les Etats-Unis et risquait d'assurer l'élection d'un hitlérophobe à la Maison-Blanche en cet automne 1940. Le
Führer ne cherchait qu'à faire peur aux Anglo-Saxons, leur montrer que sur son ordre, ses satrapes espagnol, français et italien pouvaient mettre la Méditerranée à feu et à sang : en revanche, si Londres se montrait enfin raisonnable, l'on pourrait aboutir à un traité de paix qui laisserait à l'Allemagne les mains libres à l'Est - la véritable obsession du despote nazi.
Pour revenir à Canaris, il devient évident qu'il n'a pas joué le rôle que lui accorde Brissaud - mais pas Höhne : l'historien français estime que le "petit amiral" a dissuadé Franco d'entrer en guerre, alors que cette thèse n'est absolument pas prouvée et contredit même la réalité. Höhne lui-même montre que Canaris était bien plus favorable à la prise de Gibraltar que ne le soutient Brissaud.
Constatant le manque d'enthousiasme de Hitler à Hendaye, Franco décide pour sa part de ne pas insister et se réfugie définitivement dans la neutralité - du fait des pressions intérieures et de la résistance britannique. Le
Führer envoie certes Canaris rencontrer le dictateur espagnol le 7 décembre 1940, pour le convaincre d'entrer en guerre - mais il sait très bien, à cette date, que Franco a jeté l'éponge, et lorsque l'amiral lui rendra compte de son prévisible échec, le
Führer ne lui en tiendra aucune rigueur et laissera pratiquement tomber l'opération Félix - pour la ressortir du panier en janvier 1941, là encore pour mettre la pression aux Britanniques. Là encore, Brissaud "invente" une conversation entre Canaris et Franco (il les fait même se tutoyer !) pour indiquer que les deux compères étaient de mêche dans le refus espagnol de s'impliquer... Du vent.