Bonjour,
L'histoire de la police (de et) sous Vichy est pointée par Sonia Combe comme un sujet d'étude encore très sensible qui souffre d'un déficit historiographique.
(Avec l'antisémitisme d'une partie de la Résistance et la participation des cheminots à la déportation des Juifs de France.)
On sait qu'en 1956 pour obtenir la licence d'exploitation de Nuit et brouillard, Alain Resnais fut obligé de couper le képi d'un gendarme français dans un plan du camp de Pithiviers. (L'injonction fut émise par le Centre national de la cinématographie.) Il ne fallait pas laisser passer le moindre détail pouvant rappeler que les antichambres d'Auschwitz avaient relevé de l'administration vichyste, donc française.(...) Dans l'imaginaire français, la persécution raciale et les rafles de Juifs - déjà marginalisées dans l'historiographie -, mais aussi la répression de la Résistance avaient été l'œuvre de la Gestapo, tout au plus celle de la Milice, cette Gestapo française. Supplantant la mémoire collective, le mythe d'une France résistancialiste, ses forces de l'ordre comprises, était hégémonique dans le discours politique officiel comme dans le récit scientifique, et a forteriori dans l'opinion publique.
(p.260-261)
Grâce aux travaux de R. Paxton, S. Klarsfeld, M. Rajsfus, depuis une vingtaine d'années on ne peut plus nier le rôle essentiel des forces de l'ordre vichystes dans les recensements, le fichage et les rafles. A l'époque (1994) où Sonia Combe écrivit son essai, la bibliographie sérieuse traitant de la police sous Vichy était quasiment inexistante. Depuis, un documentaire prudent fut consacré au sujet (diffusé par France 5), des articles et une étude ont été publiés. C'est à peu près tout. Le thème reste délicat :
A Paris, le service des archives de la préfecture de la police reste impénétrable. A défaut d'être la seule raison de la pauvreté de l'historiographie sur la police de Vichy, cet impossible recours à l'archive officielle relative aux agissements des forces de l'ordre de l'Etat français l'explique en grande partie.
L'auteur raconte qu'en 1993, un chercheur allemand(*) très décidé publia la première étude sur la police de Vichy. Bordeaux, Rouen et Paris refusèrent ses demandes de dérogation alors que les archives de Marseille et Laon connaissaient des "problèmes techniques" ou avaient été détruites...
En 1993 (!), dans le recueil consacré au colloque sur le régime de Vichy organisé trois ans auparavant par le CNRS et IHTP, on ne trouve aucun article sur la police de Vichy...
Sonia Combe peut parler du déficit de la réflexion historique française sur la police.
Bien cordialement,
RC
(*) "Gutte Franzosen". Die französische Polizei und die deutsche Besatzungsmacht in besetzten Frankreich 1949-1944, Jan Thorbecke Verlag, 1993. |