J'ai donc pris connaissance du livre de Filhol-Hubert
Les Tsiganes en France, Un sort a part 1939-1946, 2009, et je le recommande à tous ceux qui veulent devenir moins ignorants sur l'histoire des Tsiganes en France depuis les origines (je suis un peu gêné d'utiliser le nom
Tsigane, pertinent pendant l'épisode allemand, puis qu'il est la traduction des Zigeuner ciblés par les autorités d'occupation, mais en France, on les appelait plutôt Bohémiens ou Romanichels ...). Les auteurs jettent, en conclusion, le chiffre de « 6000 à 6500 Tsiganes internés en France de 1940 à 1946 » alors que Peschanski réaffirmait dans
La France des camps, 2002, p.196 « Le nombre de Tsiganes internés une ou plusieurs fois en France entre 1940 et 1946 s'élève à 3000 », mais en dépit des apparences, il n'y a pas de querelle de chiffres. Tous partent bien des mêmes archives, et donc des mêmes chiffres d'internés, mais l'attribution de la qualité de Tsiganes à tous ceux qui ont été internés pour nomadisme est quelque chose de bien hasardeux.
De la même façon qu'une grande partie de la destinée de Vichy découle du texte de l'armistice de juin 1940, la destinée des « Tsiganes » dans la première moitié du XXe siècle découle, pour une grande part, de la loi du 16 juillet 1912 que l'on peut consulter
ici (Merci Alain Gagnieux). Il s'agit d'imposer le carnet anthropométrique aux Romanichels, mais la logique républicaine interdit de se référer à des groupes raciaux ou ethniques. Le texte de la loi doit passer par bien des contorsions pour cibler les Romanichels tout en épargnant un certain nombre de professions ambulantes. Et bien sûr, il y aura d'authentiques représentants « Tsiganes » qui échapperont au statut de nomades et des non-Tsiganes qui relèveront de ce statut. Je signale également
ici le commentaire d'Emmanuel Filhol sur cette loi. C'est un copié-collé du chapitre du livre qui traite de la question.
Emmanuel