Re-bonjour,
Pour mettre les choses au clair, tout ne me convainc pas dans les thèses de Robert Paxton, dans la mesure où il sous-estime considérablement l'intérêt et les manoeuvres de Hitler vis-à-vis de la France de Vichy, ce qui l'amène du même coup à surestimer la marge de manoeuvre de cette dernière. Mais il ne s'agit là que d'affiner ses conclusions, non de les remettre en cause sur l'essentiel.
Pour revenir aux considérations d'Alain Michel sur le point de savoir qui a décidé d'incorporer les enfants juifs dans les rafles et la déportation, elles deviennent hautement ridicules. L'intéressé, en effet, joue (volontairement ou non, peu m'importe), sur les notions d'
arrestation et de
déportation.
Il était en effet admis que les enfants seraient arrêtés avec les parents - ce qui sera notamment concrétisé par les instructions du 11 juillet 1942. Le propos de Laval n'aurait aucun sens s'il n'était envisagé d'emmener les enfants juifs avec leurs parents lors des arrestations (qu'ils soient internés avec lesdits parents ou confiés à des organismes sociaux est une autre question, vite tranchée d'ailleurs...).
Du reste, il est faux d'alléguer que le 13 juillet 1942 au soir la police française aurait eu pour directive de ne pas arrêter les enfants de moins de 16 ans. C'est l'exact contraire, dans la mesure où la première page de
la circulaire émise le jour même par la Préfecture de Police prescrit:
[L’arrestation et le rassemblement d’un certain nombres de Juifs étrangers] concerne tous les Juifs des nationalités ci-dessus, quel que soit leur sexe, pourvu qu’ils soient âgés de 16 à 60 ans (les femmes de 16 à 55 ans).
Les enfants de moins de 16 ans seront emmenés en même temps que les parents.
La question, centrale, portait sur le sort de ces enfants après leur arrestation. Resteraient-ils en France? Ou seraient-ils déportés? Laval a expressément proposé cette seconde solution, s'agissant des enfants juifs de zone libre, et précisé que les Allemands pouvaient faire ce que bon leur semblait des enfants juifs de zone occupée, ce qui revenait au même (
"la question des enfants juifs restant en zone occupée ne l'intéresse pas", précisait Dannecker).
Mais ladite solution, qui intéressait la
déportation - non l'arrestation, qui allait de soi - impliquait nécessairement une approbation du supérieur de Dannecker, Adolf Eichmann, dans la mesure où il supervisait l'organisation des convois ferroviaires. Eichmann a formulé son accord le 20 juillet 1942.
Cependant, il n'était pas question pour les nazis de procéder à la déportation des parents
avec leurs enfants, c'est à dire simultanément. Compte tenu du programme fixé, et des contraintes ferroviaires, les départs pour la Pologne s'effectueraient en deux phases: d'abord les parents, ensuite les enfants. En conséquence, parents et enfants ont été séparés dans les camps d'internement où notre police les avait parqués, les parents étant les premiers embarqués dans les trains sans leurs enfants; ces derniers, pour leur part, ont été littéralement laissés à l'abandon plusieurs semaines, en attendant d'être déportés à leur tour, pour finir gazés.
Bref, je persiste et signe: en escamotant la responsabilité écrasante de Pierre Laval, donc du régime de Vichy, dans le sort des enfants juifs, Alain Michel raconte strictement n'importe quoi. Pour ne pas dire plus.