Je le relis ce soir sous un autre angle : comme une commande de Hitler, via Himmler, destinée à faire croire qu'il n'était pas au courant des intentions de Hess.
Il passe en effet sous silence un élément connu et certain : Hitler était au courant de l'envoi d'une lettre par A. Haushofer à Hamilton le 23 septembre 1940, et A. Haushofer savait qu'il était au courant (de même qu'il passe sous silence toutes les relations et rencontres Hitler-Albrecht Haushofer... alors que le jeune demi-juif était l'un des principaux vecteurs du gouvernement nazi vers les appeasers britanniques pendant toutes les années trente, et avait aussi joué un rôle de poisson-pilote auprès de Bénès dans la question des Sudètes -autant de raison de fréquenter Hitler, et plutôt dix fois qu'une).
L'omission de toute mention de l'origine hitlérienne de la lettre à Hamilton devrait inciter l'historien à se demander : comment Hess pourrait-il, peu après avoir magouillé cela avec Hitler, se mettre à préparer un vol en cachette ?
Nous ignorons si Hitler a fait usage du rapport Haushofer, et auprès de qui. Mais en tout état de cause, il se fait confectionner là un texte sur mesure, qui montre Hess faisant cavalier seul dès la période de la lettre.
D'autre part, tout, dans ce texte, est nazistiquement correct. Hess et A Haushofer ont, pour employer une expression dont je réprouve l'abus, "travaillé en direction du Führer" : ce 12 mai où tout semble encore possible, Hess apparaît bien dans la ligne et, si officiellement Berlin est obligé de déclarer fou le ministre voyageur, un tel rapport laisse ouverte la possibilité de récupérer sa mission, si elle finit par porter ses fruits. |