Cher Francis. Voici un élément qui peut éclairer, peut-être, un épisode de cette histoire.
Rochus Misch s’intitulait « garde du corps » de Hitler mais il était plutôt un factotum « à tout faire » dans l’entourage du dictateur. Voyant tout, entendant tout, il nous livre quelques secrets dans la mesure toute relative où nous pouvons faire confiance à un S.S.
Il semblerait que Hitler aurait voulu signer avec les Anglais un accord de paix ou au moins un traité de non-belligérance avant d’attaquer l’U.R.S.S.
Il nous dit que lors d’un repas, un messager a surgi dans la pièce. Il s'est approché d'Otto Dietrich pour lui remettre une dépêche. Le chef de presse l'a lue rapidement, puis l'a remise à Hitler, qui a parcouru le document à son tour. Le Führer s'est arrêté, a tendu le papier devant lui, et s'est exclamé : « Mais enfin, que dois-je faire de plus ? Je ne peux tout de même pas prendre un avion et aller me mettre à genoux devant eux ! »
"J'étais là, debout dans la salle sans pour autant savoir de quoi il s'agissait. Je n'ai pas eu la fameuse feuille entre les mains. Mais j'écoutais, par bribes, les paroles les plus fortes, les plus audibles. Il fut question d'une rencontre, d'une réunion importante qui semblait avoir eu lieu peu de temps auparavant au Portugal entre l'ambassadeur allemand Emil von Rintelen, celui que tout le monde appelait « le facteur d'Hitler », et le diplomate suédois, le comte Bernadotte. J'en ignore les raisons . Toutefois, c'est à ce moment précis que l'attention s'est portée sur Hess. Je ne sais plus quels étaient ses termes exacts, mais celui-ci a alors affirmé quelque chose comme : « Hitler ne peut effectivement pas le faire. Mais moi, en revanche, je le peux."
Rudolf Hess prépare son voyage en Grande Bretagne.
La première chose à faire fut de mettre la main sur les plans aériens nécessaires pour l'expédition. Hess devait pour cela obtenir, sans éveiller les soupçons, ce que l'on appelait "les Parolen", les codes inscrits sur les cartes d'état-major précisant les horaires durant lesquels les avions pouvaient voler au-dessus de certaines régions définies sans être abattus par la DCA ou l'aviation d'un camp comme de l'autre.
"Ces documents précieux, qu'on appelait dans le jargon militaire de l'époque les « zones mortes », ont été habilement soutirés au capitaine d'aviation Hans Baur, le pilote d'Hitler. L'exercice n'a pas été facile d'après ce que m'en a raconté Sepp Plattzerl, le valet de chambre de Hess. Celui-ci a dû insister auprès de Baur sur le mode : « Mais tu connais quand même le chef, il veut tout savoir de manière très précise... », Baur céda. Il lui donna finalement une deuxième édition des plans de Goering, celle qui devait être destinée au capitaine d'aviation Beetz, deuxième pilote du Führer."
"Hess n'arrêtait pas de s'entraîner avec son avion, volant pratiquement tous les jours depuis les usines Messerschmitt d'Augsbourg . De passage une fois au QG au moment où j'étais de service, il croisa Hitler. « Mais que faites-vous donc ici ? » lui demanda ce dernier. Hess formula le désir d'être incorporé, dans une unité postale, comme pilote. ( Devant ce souhait saugrenu, Hitler se doutait qu’il se passait quelques choses, sans savoir exactement quoi. NDL’A )
Le Führer refusa tout net. Il lui répondit qu'il n'aurait aucune mission dans ce sens et qu'il avait à partir de cet instant, interdiction absolue de voler, lui et son autre bras droit Hermann Goering. Ce que tous deux n'ont évidemment pas respecté.
"L'opération était prête au début de l'hiver 1940/1941. Un jour que je ne pourrais pas dater, Hess a donné, peu de temps avant de monter dans son avion, une enveloppe blanche à ses aides de camp. Il leur a demandé de ne l'ouvrir que dans le cas où il ne serait pas de retour dans les vingt prochaines minutes. Le valet de chambre Sepp Plattzer était là. Il observa comment tous avaient très vite compris qu'il allait se passer quelque chose, que le patron s'apprêtait de toute évidence à prendre la fuite.
Une fois Hess dans les airs, les deux aides de camp ont immédiatement ouvert l'enveloppe, sans perdre un instant. Celle-ci contenait une deuxième enveloppe adressée directement au Führer avec la mention «De toute urgence ». Mais Hess fit demi-tour. Sept minutes seulement après avoir pris son envol, il se posa avec son appareil sur la piste de l'aérodrome. Aurait-il pris peur, l'avion avait-il des problèmes ? Personne n'a su ce qu'il lui était arrivé.
Une fois sorti du cockpit, Hess, la mine renfrognée, s'est simplement dirigé vers son ingénieur mécanicien Neumaier pour un bref tête-à-tête".
Avant de monter dans la voiture qui devait les raccompagner à Munich, les aides de camp se sont adressés à Rudolf Hess. Ils lui ont expliqué qu'ils avaient pris peur et ouvert la fameuse lettre malgré ses recommandations.
"La troisième tentative fut la bonne. Le soir du 10 mai, Rudolf Hess s'envola pour de bon. C'est Karl Heinz Pintsch qui se présenta le lendemain matin au Berghof muni de l'enveloppe. Un aide de camp se chargea de réveiller Hitler. Mais lorsqu'il lut la lettre d'Hess, j'ai encore le souvenir du Führer ayant toutes les peines du monde à garder son calme. Il éleva la voix : « Mais Hess ne peut pas me faire cela ! Je ne comprends pas, c'est impossible ! Hess ! Hess a fait cela, mais cela ne va pas du tout ! »
Il paraissait de plus en plus nerveux, profondément sonné aussi, comme s'il venait de recevoir un énorme coup de poing au ventre. Il exigea que l'on appelle Bormann, « tout de suite ! »
Hitler se retira. Du 11 jusqu'au 13 mai au soir, il restera cloîtré dans ses appartements situés au premier étage du Berghof. Il ne descendra pas. À aucun moment on ne verra le Führer dans le salon ou quitter le chalet pour une de ses balades dans la montagne. Il recevait ses hôtes dans son bureau, là-haut. Joseph Goebbels, arrivé au chalet le 12 mai, dut lui aussi emprunter les escaliers pour s'entretenir avec lui".
Cordialement. |