... plusieurs éléments attestent de l'existence d'une stratégie commune, d'une part, et du fait que Hitler n'a pas été mis devant le fait accompli, d'autre part :
1) La note de Mussolini à Badoglio en date du 5 octobre 1940, associée à un mémorandum du Generaloberst Alfred Jodl, chef d'état-major de l'O.K.W. et à une lettre de Hitler à Mussolini du 20 novembre 1940 tendent à indiquer que le Führer et le Duce s'étaient mis d'accord sur la reprise de l'offensive italienne en Libye et une invasion de la Grèce qu'accompagnerait une occupation-éclair de la Crète. Le fait est que le processus décisionnel aboutissant à l'invasion de la Grèce par l'Italie s'est emballé après l'entrevue du Brenner.
2) D'après un télégramme de l'ambassadeur allemand à Rome, Mackensen, du 19 octobre 1940, Ciano a révélé que l'attaque avait reçu la bénédiction de Hitler. La Wilhelmstrasse, qui n'était pas informée de ce fait, a consulté Hitler, qui n'a pas nié.
3) Comme le montre Martin Van Creveld, Hitler a reçu quantité de rapports l'alertant sur l'imminente agression italienne contre la Grèce, dans les dix jours qui l'ont précédée. Il n'a pris aucune mesure pour dissuader Mussolini d'agir, alors que telle était l'intention de ses propres diplomates. Ce n'est que le 25 octobre qu'il propose d'avancer la date de sa prochaine rencontre avec son partenaire italien, initialement fixée dans la première semaine de novembre, et qui se tiendra finalement à Florence le 28 octobre : il est exclu qu'une telle décision ait été prise pour tenter de stopper Mussolini de commettre le pire.
Pour revenir à la complicité Hitler-Mussolini, je ne pense pas non plus qu'elle reposait sur un condominium franc, pur et simple. Les deux dictateurs recherchaient leurs propres intérêts, et le nazi a souvent menti au fasciste, voire ne l'a pas toujours tenu bien informé de ses propres calculs. Néanmoins, plus j'en lis sur les deux, plus je conteste la théorie mettant en avant leur rivalité, laquelle serait à l'origine de bien des gestes inconsidérés du despote italien : plusieurs initiatives italiennes apparaissent finalement avoir été commanditées, suscitées ou appuyées, directement ou non, par Berlin, de la conférence de Munich en 1938 à l'agression de l'Albanie l'année suivante, et ainsi de suite, sachant que des contacts personnels entre Hitler et Mussolini ont pu intervenir sans passer par les traditionnels canaux diplomatiques. A mon sens, c'est donc bien l'ensemble des relations germano-italiennes qu'il faut revoir sous cet angle. |