Hitler et Mussolini se rencontrent au Brenner le 4 octobre 1940, et nul n'a jamais été en mesure d'apporter une reconstitution cohérente de ce sommet, d'autant que, le dictateur italien parlant couramment l'allemand, rien n'exclut quelques propos échangés de manière confidentielle entre ces deux grands renards de la politique.
Or, le lendemain même de cet entretien, le
Duce, de retour à Rome, adresse une note au Maréchal Badoglio qui envisage une action de plus grande portée contre la Grèce (Van Creveld,
op. cit., p. 35). Coïncidence ? Des rumeurs ont également commencé à circuler sur un possible blanc-seing accordé par le
Führer à une telle aventure, jamais niées par Hitler même lorsque Ciano lui-même a proféré l'accusation (
ibid.). Par la suite, démontre Van Creveld, Hitler est nécessairement informé des préparatifs de l'invasion, mais ne prend aucune mesure sérieuse pour dissuader son homologue italien.
Quand on y réfléchit, pareille agression ne peut que le servir. Elle laisse entendre aux puissances balkaniques, en particulier la Bulgarie, qu'elles ne sont nullement à l'abri des ambitions de quelques puissances prédatrices, et qu'elles ont intérêt à confier leur sort à la puissante Allemagne. Elle suggère également que l'attention de l'Axe est tournée vers la Méditerranée, alors que c'est la destruction de l'U.R.S.S. qui est au coeur de la stratégie hitlérienne. Enfin, à supposer que Mussolini échoue, le
Reich aura la possibilité d'accroître sa propre zone d'influence aux dépends de l'Italie fasciste - et l'on sait, en effet, que l'offensive allemande dans les Balkans
n'a en rien compromis les chances de victoire allemande contre l'Armée rouge, bien au contraire dans la mesure où elle les a, en fait, accrues.