> Chevallaz cite notamment la réponse de Pilet à une
> interrogation du Conseiller national Grimm du 26 juin
> 1940
> (op. cit., p. 82, tiré des DDS, vol. 13, pp. 763-768) : «
> Nos efforts doivent tendre à ne pas nous laisser
> assujettir
> à un seul bloc économique. Il faut faire contrepoids à
> certaines pressions économiques qui pourraient s’exercer
> sur nous du Nord, du Sud et de l’Ouest ».
J'ai retrouvé une version plus complète, à défaut d'être intégrale, de ce document, sachant que M. Chevallaz s'est limité à reproduire ces deux phrases, qui laissent entendre que Pilet-Golaz se serait montré quelque peu "résistant".
Or, ce qui précède et ce qui suit remettent en cause une telle interprétation.
Rappelons que cette réponse intervient alors que la Suisse est en négociations avec l'Allemagne pour l'octroi d'un crédit à cette dernière. A ce titre, Pilet-Golaz mentionne qu'il est satisfait d'avoir conclu un accord avec l'Italie (ce que mentionne votre source, mais vous ne l'avez pas signalé). Quant à l'Allemagne :
"Il faut nous rendre compte que nos relations avec l'Allemagne connaîtront un profond changement. [...] Il s'agit, premièrement, de donner l'argent réclamé. Il serait inopportun de discuter sur un million de plus ou de moins. [...] Devant cet avenir changeant et incertain, nos efforts doivent tendre à ne pas nous laisser assujettir à un seul bloc économique. Il faudra faire contrepoids à certaines pressions économiques qui pourraient s'exercer sur nous, du nord, du sud ou de l'ouest. Nous aurons à subir de douloureux renoncements, à faire de durs sacrifices si nous voulons garder notre place et notre mission dans le monde." (cité par Marc Perrenoud, "L'intervention de la Confédération dans les relations financières internationales de la Suisse. 1936-1946", in Paul Bairoch & Martin Körner, dir., La Suisse dans l'économie mondiale, Librairie Droz, 1990, p. 379).
Dès lors, ces éléments textuels et contextuels - qui s'ajoutent à ce que j'expliquais
dans cet article - mettent en échec votre affirmation selon laquelle Pilet-Golaz n'aurait pas fait preuve de complaisance envers l'Axe (!).
Complaisant, il l'est, au contraire - et pas qu'un peu. Ce au nom d'une conception particulière de la souveraineté et de la réputation suisses : qu'il se refuse, pour l'heure, à rallier un camp (
"le nord" et
"le sud", l'Allemagne et l'Italie, donc) comme l'autre (
"l'ouest", les Alliés en d'autres termes), ne signifie pas pour autant, bien au contraire même, qu'il n'est pas prêt à des compromis qui seront en fait des compromissions.