Bonjour,
Le livre de Leon Goldenshon,
Les entretiens de Nuremberg, apporte un éclairage singulier sur les artifices employés par les accusés pour assurer leur défense. Ainsi, témoins et accusés ayant eu un lien hiérarchique avec Werner Best, le citent en exemple comme celui qui "sauva" les Juifs du Danemark.
Joachim von Ribbentrop, interrogé sur les atrocités dans les territoires occupés, rétorque au psychiatre Goldensohn que les états occupés ne relevaient pas de sa juridiction. Ses fonctions, en tant que ministre des Affaires étrangères, pendant la guerre, concernaient les pays neutres et les pays alliés à l'Allemagne et d'ajouter :
Au Danemark, j'avais Werner Best; deux années durant, j'ai essayé d'éviter les déportations juives. Best peut en témoigner.
Le témoignage de Best n'allant pas dans ce sens :
Ah bon. Je pensais que Best serait au moins loyal. J'ai fait beaucoup pour lui. Je l'ai retiré de la Gestapo pour le placer aux Affaires étrangères. Et maintenant, pour sauver leur peau, tous ces types sont prêts à vous trahir.
A propos du conflit qui opposa Werner Best à Heydrich, une note de bas de page précise ce qu'il en était :
Le conflit de Werner Best avec Heydrich remontait au début de l'été 1939 : le fond de l'affaire était que Heydrich ne partageait pas les idées de Best sur le personnel et les questions d'organisation au sein du SD. Contrairement à ce qu'on imagine souvent, quand Heydrich finit par écarter Best, il ne se débarrassa pas ce faisant des "dernières entraves" à sa politique de "destruction massive" des Juifs, car Best était loin de représenter un obstacle de ce genre; en fait, non seulement il souscrivait à cette politique, mais lui-même en formula maints aspects et les justifia idéologiquement.
Les conversations avec Rudolf Mildner [*], comparse de Werner Best, portent essentiellement sur les "sauvetage" des Juifs du Danemark. Une note de bas page tient à préciser :
Il faut noter que les Allemands en charge du Danemark, en particulier Werner Best, ne s'étaient pas "ravisés", mais avaient été et restaient fidèles à leur idée d'éliminer tous les Juifs d'Europe, soit par le meurtre de masse, soit par la déportation. Quad ils se rendirent compte, en septembre 1943, que l'ordre donné par Hitler de déporter les Juifs du Danemark n'était pas réalisable, ils se contentèrent de rendre évidente l'action qui se préparait, dans l'idée que les Juifs allaient s'en aller précipitamment et que les Danois les y aideraient volontiers. Le résultat final, du point de vue nazi, était que le Danemark se trouva "déjudaïsé". Best ne se souciait pas le moins du monde de "sauver" les Juifs en tant que tels : pour l'heure, cela lui apparut comme la seule approche politiquement viable.
Bien cordialement,
Francis.
[*] Rudolf Mildner : haut responsable de la Gestapo, notamment chef de la Gestapo à Chemnitz puis à Katowice, fut responsable de la déportation de milliers de Juifs au camp d'Auschwitz. En septembre 1943, Mildner fut nommé commandant de la Sipo et du SD au Danemark, juste avant que les nazis ne commencent une "
aktion" pour déporter les Juifs de ce pays.
Témoins de l'accusation à Nuremberg, il resta en prison jusqu'en 1949.