Le sort de Sophie dans le roman de Styron n'est pas un seul instant comparable à celui de Vichy :
1) Sophie, lorsqu'elle est mise en demeure d'avoir à choisir entre son fils et sa fille à son arrivée à Birkenau, est-elle même promise à être gazée, et seule la perversité du nazi qui lui offre cette alternative lui sauve la vie. Elle n'a aucune marge de manoeuvre. Aucune aide à attendre de qui que ce soit. Pétain et ses séides n'ont jamais eu le pistolet sur la tempe, eux, et l'on voit mal pourquoi ils l'auraient eu dans la mesure où ils collaboraient, qui par opportunisme, qui par conviction idéologique, allant jusqu'à anticiper les attentes de l'occupant.
2) Sophie sacrifie sa fille pour sauver son fils, tandis que Vichy, qui n'a pas protesté contre les premières déportations de Juifs français antérieures aux rafles de l'été 1942, souhaite se débarrasser des Juifs étrangers et les livre donc à l'occupant (en attendant de revenir sur les Juifs français, en les dénaturalisant pour sauver les apparences). Les possibilités de sauvetage étaient innombrables, et Vichy n'en a utilisé aucune.
3) Sophie sera dévastée par son choix (sacrifier sa fille), perdra en outre son fils, et, parvenant à survivre à sa déportation, ne saura en revanche vaincre sa culpabilité et mettra fin à ses jours. Il me semble que les dirigeants vichystes, jugés ou non, n'ont pas manifesté de remords similaire...
Enfin, vous écrivez que "la question de ce que savait ou ne savait pas Vichy vient en tiers et ne devrait pas" : n'empêche que c'est vous qui arguez quasi-systématiquement de la prétendue ignorance de Vichy quant à l'existence des chambres à gaz. Outre que cette question est au contraire importante. |