> En fait, ces lignes de Gilbert comportent plus d'éléments
> contredisant l'authenticité du doc Hossbach que
> l'inverse ! En effet, que nous dit-il ? Que ni Seyss-
> Inquart, ni Schirach, ni Frank, ni Fritzsche, ni
> Ribbentrop n'avaient eu vent de la conférence de 1937,
> conférence au cours de laquelle Hitler aurait annoncé
> devant six personnes un projet aussi boulversant que son
> intention de faire la guerre à la France et à
> l'Angleterre. Il y a de quoi être dubitatif.
La conférence du 5 novembre 1937 est ultra-secrète. Hitler n'a réuni que les chefs de l'armée, de la Marine, de la diplomatie. Il n'a aucune raison d'inviter ou d'informer, à ce stade et même après, ces pions alors peu haut placés que sont les accusés présentement cités.
Seyss-Inquart ? En 1937, ce n'est qu'un obscur politicien extrémiste autrichien, qui ne prendra de l'ampleur que l'année suivante. Von Schirach ? Il dirige les Jeunesses Hitlériennes ! Frank n'est qu'un juriste, certes ministériel me semble-t-il, mais pour ainsi dire oublié. Fritzsche est un journaliste, un simple second couteau de Goebbels. Bref, ils n'ont aucune légitimité à être mis au courant. Or, la réalité de la conférence n'a pas été contestée par ses protagonistes, qui ont essayé en revanche d'en remettre en cause le fond, pour sauver leur peau, compte tenu du caractère justement dévastateur du document issu de la plume d'Hossbach.
Ribbentrop est à cette époque le plus crédible du groupe cité, mais il n'est pas encore premier diplomate du pays. Qu'il prétende ne pas savoir par la suite en quoi consiste ladite conférence relève, de sa part, du mensonge (il joue sa tête à Nuremberg), ou d'une ignorance résultant du fait que ce pantin de Hitler n'a jamais été l'individu le mieux informé des décisions capitales prises par ce dernier (à l'exception peut-être du pacte germano-soviétique, précisément parce que ce fat revendiquait une détente entre Moscou et Berlin).
Enfin, que Hitler prévoie la guerre avec l'Angleterre n'est pas incompatible avec Mein Kampf. Le Führer souhaite en effet dégommer la France, pour mieux se déchaîner à l'Est ensuite. Or, l'Angleterre est l'alliée de la France, donc un conflit avec elle est inévitable. Mais le dictateur nazi espère une victoire rapide sur l'armée française, de manière à ôter aux Anglais leur bras armé sur le continent. De cette manière, il obtiendra à l'arrachée la paix avec une Grande-Bretagne découragée, aux moindres frais. L'été 1940, et les difficultés de Churchill à l'emporter sur la faction pacifiste britannique menée par le responsable du Foreign Office, démontrent à à quel point un tel calcul a été juste. Si le plan hitlérien a échoué, c'est grâce à la présence et l'habileté manoeuvrière du "Vieux Lion" (voir Ian Kershaw, Choix fatidiques, Seuil, 2009).
La conférence du 5 novembre 1937, de sa part, est une manière d'annoncer la couleur à ses officiers et fonctionnaires supérieurs, sans pour autant les inquiéter outre-mesure, d'où les dates d'action assez tardives qu'il formule alors qu'il s'agit de frapper en 1938-1939. En cela, il avait raison d'être prudent, car la caste traditionnelle de l'armée et des Affaires étrangères va grimacer - voir les réticences des généraux, et les attaques cardiaques de Von Neurath. |