Bonsoir,
Le titre exact est "Mythical Weapon", c'est certes écrit par des polonais, mais de là à remettre en cause les éléments fournis sur le T-34...
Le texte parle d'ailleurs de "durée de vie" des moteurs et non durée avant révision (même en tenant compte de ma nullité proverbiale en anglais, je ne peux pas confondre).
C'est à ma connaissance l'ouvrage de référence sur le T-34 (un peu comme les "Hunnicut" pour les tanks US ou les "Spielberger" pour les Panzer...).
Pour revenir sur quelques points de votre argumentation :
- la difficulté de conduire le T-34, je m'en remets à l'excellent article de mon ami Bruno COLLIN dans le T&T n°1 (page 26) sur le T-34/76 selon lequel "comme sur tous les chars russes, même les modernes, la conduite est "athlétique" et nécessite de gros efforts physiques de la part du pilote. La dureté de la boîte de vitesse est telle que, selon certains, l'utilisation d'un marteau est quelquefois nécessaire pour monter ou bien descendre les rapports !".
- Il ajoute, toujours à la même page que "pour sa visée, le tireur dispose d'une lunette télescopique TOD-6 (TMFD par la suite). Il peut également utiliser un périscope PT-6 offrant une vision périphérique malheureusement de qualité médiocre. ce modèle sera d'ailleurs remplacé par le PT-4-7 puis le PT-5 sur les modèles 1942."
- En guise de conclusion sur les premières versions :"deux des principaux points faibles du T-34 apparaissent au niveau de la tourelle. Le premier est le cumul des tâches pour le chef de char qui doit diriger la machine, observer, repérer les objectifs mais également pointer son canon ; situation aggravée lorsque, en prime, il commande une section (...)." ceci explique clairement pourquoi les succès lors de l 'été et l'automne 41 seront le fait de chars enterrés (facilité de gestion car aucune question de mobilité).
- la suite "Le second est le manque de visibilité autour du char. Les systèmes en place ne permettent pas d'observer l'environnement dans son intégralité etle chef de char doit sortir la tête de la tourelle pour en avoir une vision globale. Mais là encore, il est handicapé par la trappe de toit qui est d'un seul tenant, donc lourde à manoeuvrer et, qui s'ouvre vers l'avant, bloquant ainsi toute vision dans cette direction !" Vous conviendrez que ces éléments ne sont guère "offensifs"...
- La thèse que j'appelle du "brise-glace" dispose d'un argument qui peut paraître de prime abord important : la "double-mobilité" des BT (roues - chenilles). En effet, si l'URSS ne dispose en 1941 que d'une seule véritable autoroute (de mémoire entre Moscou et Léningrad, et encore pas complète), comment expliquer la conception d'un char avec des roues caoutchoutées en plus des chenilles si ce n'est pour envahir une Allemagne couverte d'autoroute ?
Pourtant cet argument m'a toujours fait tiqué pour deux raisons (c'est mon bon sens d'ardéchois que voulez-vous ;-)):
1) avant l'allemagne il y a la Pologne (pas super-réputée en 1940 pour ses autoroutes), sans compter la Biélorussie et l'Ukraine...
2)et surtout, en 1943 ou 44, les soviétiques n'ont pas à ma connaissance conçu de tels matériels (alors que l'invasion de l'Allemagne était alors inéluctable non ?).
Mais en fait cet argument se révèle être le plus délirant si l'on prend la peine de se pencher sur l'histoire de ce système de suspension "bicéphale" qui a été conçu par un génial inventeur (mais mauvais industriel), un certain John Walter Christie. Ce système est conçu dans les années 20 et débouchera sur le M1928 : un tank capable d'avoir des chenilles en tout-terrain et des roues pour la route. Or, le hic, c'est que si l'US Army accepte initialement son projet devenu M1931 (qui intéresse aussi la Pologne : attention, cela ouvre de nouveaux pans de réflexion : l'invasion de septembre 39 était peut-être elle aussi une attaque préventive alors, non ?), il perd le contrat entretemps du fait de son excentricité (il oublie le suivi de ce tank pour se consacrer à un tank volant !). Bref en 1930-31, il est au bord de la faillite, lorsqu'une délégation russe se présente dans ses locaux. Il s'agit d'une tentative d'acquérir à l'étranger des chars, lancée dès 1929, et qui se heurte à l'ostracisme des capitalistes de tous les pays occidentaux qui refusent de fournir des armes aux soviets. Or son projet (alors sous la version M1930) est loin d'enthousiasmer les russes, mais c'est le seul à accepter de leur vendre son tank à bon marché en plus car pris à la gorge par ses créanciers (plan et prototype + processus de fabrication pour 160.000 $).
Le contrat est donc conclu "faute de mieux" (les soviets achèteront aussi les plans de son tank-volant, là encore à défaut d'autre chose...). Le système de double propulsion (avec système de pose et dépose rapide des chenilles) est donc vendu en août 1930 et les deux prototypes arrivent à Moscou début 1931.
Si l'on doit suivre la thèse du "brise-glace", nous avons donc des soviétiques qui acquièrent et développent en 1931 un système, ce qui démontrerait qu'ils avaient l'intention d'envahir une Allemagne nazie... en 1933... et couverte d'autoroutes plus tard encore...!!?!
Informations disponibles dans plusieurs sources mais reprises de manière magistrale (et surtout en français) dans le B&B n°12 (pp 11-15).
- j'ai bien lu votre argument sur les moteurs d'avion réutilisés sur les BT, et je vous en remercie car je ne le connaissais pas. Au passage, signalons qu'il ne s'agit pas d'une pratique isolée (par exemple le Regio Esercito le fera aussi, les pièces principales en casemate du M11/39 étant tirées de vieux Fiat 3000).
- sur le réarmement et développement de l'Armée Rouge (merci pour ces chiffres), il ne s'agit pas à mon avis d'une réaction exceptionnelle. Nul besoin d'avoir un "agenda caché" pour se lancer dans l'urgence en 1940 dans une course au renforcement des unités blindées (en nombre et en qualité). En outre, l'Armée Rouge privilégiera toujours le nombre sur la qualité (ce qui ne veut pas dire qu'elle ne sera pas capable d'acquérir une supériorité manoeuvrière et opérationnelle dès 43, attention, je ne ressorts pas la mauvaise propagande nazie qui nous est régulièrement resservies depuis 50 ans...).
Bref, je le répète, cette thèse reste à démontrer. Ce n'est pas à ses contradicteurs de démontrer qu'elle n'est pas avérée. ne renversons pas la charge de la preuve...
Cordialement,
CM |