Arcole : << Les Allemands ont compris avant tout le monde que pour abattre un avion, il faut tirer une rafale d'obus de la grosse Bertha. >>
Mais quelle erreur! Ce sont les Français qui l'ont compris de très loin les premiers, dès 1917, voire avant (je ne suis pas très fixé mais très ignorant sur 14-18). L'avion habituel de Guynemer était déjà équipé d'un moteur-canon de 37 mm mais qui tirait non des obus habituels, mais des obus à grenaille, "tirant coup par coup une boîte à mitraille" (R. Danel et J. Cuny). Si cette guerre avait continué au-delà de 18 (quelle horreur!), nul doute que les Français auraient vraiment mis au point le moteur-canon dès 1918 ou 19. J'avoue humblement ignorer quelle était l'efficacité de ce système, certainement expérimental en grande partie. Cet avion existe encore ; je l'ai vu dans le saint des saints, à l'intérieur du bâtiment principal de l'Ecole de l'Air, à Salon. J'ignore s'il y est encore ou si le Musée de l'Air (très vorace) est parvenu à le récupérer. Cet avion n'a pas été détruit car Guynemer volait sur un autre au moment de sa mort, hélas suivie de peu par un terrible tir d'artillerie britannique, qui a pulvérisé tout ce qui se trouvait dans ce secteur : on n'a jamais rien retrouvé ni de Guynemer ni de son avion, alors que le lieu de sa chute était assez bien connu. Bref, ce ne sont pas les Teutons qui ont inventé le canon (pour avion)! Il est certain que les Français étaient en pointe pour les armes de bord en 1940, avec les Soviétiques, qui leur attachaient aussi beaucoup d'importance (ils avaient raison).
Malgré une incompétence souvent effarante, et bien connue, l'Etat-Major français a toujours, et constamment, cherché à augmenter la puissance de feu dans tous les domaines, notamment celle des avions. Je rappelle pour mémoire que, en 1940, les très nombreux chars français étaient beaucoup mieux armés que les chars allemands (à part p-ê ceux qui étaient d'origine tchèque). Avant l'excellent canon HS 404, les chasseurs français étaient déjà armés d'un moteur-canon depuis longtemps, l'arme étant le HS 9 (un modèle suisse du fabricant Oerlikon). Sa cadence de tir était nettement plus basse (450) mais la vitesse initiale des projectiles était déjà excellente : 830 m/s (850 pour le HS 404). La preuve que le HS 404 constituait un gros progrès, c'est que, en 1940, l'Armée de l'Air a fait le maximum pour en équiper en priorité les chasseurs effectivement engagés au combat, remplaçant les HS 9 des MS 406 par des HS 404. En 1940, l'AA étudiait déjà un canon de 30 mm, certainement en avance sur tout ce qu'ont pu faire nos cousins germains.
Je vous rappelle, car vous ne sauriez l'ignorer, que, lors de la conception de leurs nouveaux chasseurs en 1935 (He 112, Me 109 A), les Allemands, contrairement aux Français (moteur-canon tout de suite!), les ont armés de 4 mitrailleuses légères de 7,92 mm (déjà) : une dans chaque aile, deux sur le moteur, tirant à travers le cercle de l'hélice (synchronisées pour ne pas détruire cette dernière). Puis, horrifiés et abasourdis, ils ont appris que les nouveaux chasseurs de la RAF, des adversaires probables sous peu, étaient armés de HUIT mitrailleuses. C'est pourquoi les Allemands ont alors essayé frénétiquement de monter un canon sur le moteur du Me 109 (échec total jusqu'en 1941), puis, faute de mieux, dans les ailes, avec des tas d'inconvénients et de limitations techniques : arme médiocre et peu puissante, bosses sur les ailes... Ces ailes n'avaient jamais été conçues par Willy Messerschmitt pour contenir des armes quelconques, et elles n'auraient certainement pas supporté le recul très puissant d'un HS 404.
Arcole : << Les gracieuses évolutions, accompagnées d'un saupoudrage de petit calibre, c'était parfait pour Guynemer ou Fonck. Qui canardaient des avions en bois entoilé. >>
Et que croyez-vous que les autres fissent? Vous semblez dénigrer l'armement des avions français en 1915-18, je me demande bien pourquoi. Les Britanniques, les Allemands, tous tiraient à la mitrailleuse comme les copains sauf, déjà, un ou plusieurs (?) Français, dont Guynemer (voir plus haut) qui, très en avance, en étaient déjà au canon, même encore imparfait.
Arcole : << (...) Et nos techniciens militaires ont suivi avec un temps de retard. >>
- Pas du tout. Les canons français pour montage sur avions étaient les premiers et de loin les meilleurs du monde (à part p-ê, comme toujours, l'URSS).
<< Pas seulement en France, puisque les Anglais ont maintenu leur engouement pour les armes de petit calibre, au dela des chasseurs de 1939, armés de huit mitrailleuses de 7,7 jusque dans les ultimes versions du Hurricane II, en 1942, qui était équipé de DOUZE pétoires de 7,7. >>
- Les Anglais ont compris leur erreur, avec leur "impressionnante" "batterie de huit mitrailleuses", et ils (la RAF) ont décidé, en 1938 sauf erreur, de choisir le meilleur canon existant au monde, spécialement pour sa capacité à tirer des obus perforants efficaces (contre les blindages, les moteurs et les éléments de structure vitaux : longerons, etc.). Voilà pourquoi, en toute indépendance et fermement désireux d'armer leurs chasseurs le mieux possible, ils ont choisi le canon français HS 404. Alfred Price, qu'on ne peut soupçonner d'être un cocardier français, a écrit pp. 79-80 du livre précité (je traduis!) : "La Royal Air Force avait décidé avant la guerre que l'Hispano-Suiza était le meilleur canon disponible pour l'emploi contre les avions blindés, ce qu'il était effectivement. (...) le canon français avait un pouvoir de pénétration supérieur à celui du ShVAK [soviétique] et double de celui de l'Oerlikon. (...) Quand, au printemps 1941, les problèmes ont finalement été réglés, la Royal Air Force possédait une arme très sûre, qui frappait dur et qui devait lui être fort utile jusqu'à la fin de la guerre". [et au-delà]
Pendant la Bataille d'Angleterre, la RAF a monté des HS 404 sur les "Spitfire" d'un squadron de chasse, mais un dans chaque aile et non sur le moteur, comme en France (c'était impossible sur l'excellent moteur Rolls-Royce "Merlin"). De plus (élément décisif selon moi), pour éviter d'avoir des bosses sur les ailes à cause du gros chargeur en tambour de 60 coups, le canon était en position couchée. Toutes ces improvisations ont eu pour résultat des enrayages très fréquents ("constants") et la fureur des pilotes "victimes" du canon, en fait de son mauvais montage. Selon les témoignages britanniques de 1940, quand les canons marchaient même un peu et touchaient, "le résultat était la dévastation" (de l'avion touché). Cette remarque est évidemment valable aussi pour le MS 406 et les autres chasseurs français de 1940 armés de ce canon. Les difficultés de la RAF montrent que, même avec l'aide totale des fabricants français, l'utilisation de canons sur les chasseurs était loin d'être aussi simple qu'on pourrait le croire et exigeait une grande maîtrise technique. D'ailleurs, les Allemands ne sont parvenus qu'en 1941 à faire fonctionner correctement, enfin, un canon installé sur le moteur alors que, en France, c'était monnaie courante depuis 1933-34. Ne croyez pas les plaisantins qui vous montrent des Me 109 équipés d'un canon axial (moteur-canon) en 1939 ou 1940 : c'est une grosse erreur. Le sympathique et talentueux Francis Bergèse l'a hélas commise, lui aussi, dans son album de BD sur la Bataille d'Angleterre. Les Allemands ont effectivement essayé avec acharnement mais ils n'ont jamais réussi avant 1941 (les vibrations et le recul du canon endommageant le bâti-moteur) : encore une grosse supériorité française, n'en déplaise à "arcole"! Il y avait bien un gros trou dans l'axe de la casserole d'hélice du Me 109 (mais pas toujours) : il servait à faire entrer de l'air de refroidissement. D'ailleurs, quand il y avait un canon (France ou Allemagne), son tube dépassait légèrement et il n'y avait pas de gros trou, seulement la bouche du canon.
Arcole : << Quant aux Allemands de 1942, ils avaient déjà en opération des avions équipés de 4 canons de 20 et même un peu plus tard, de 4 canons de 30 (Me 262). >>
- Nous voilà bien loin de la Campagne de France et du MS 406 (1940)! Ne mélangez pas des périodes de la guerre entièrement différentes pour tenter de "prouver" la supériorité allemande. Attaqués de plus en plus souvent par des flotes de bombardiers de plus en plus gros, bientôt des quadrimoteurs lourds et bien blindés, les Allemands étaient CONTRAINTS d'accroître coûte que coûte la puissance de feu de leurs chasseurs. Les 4 canons de 30 mm des Me 262 en 1944-45 n'ont pas d'autre explication, et pas d'autre justification, que les incursions presque constantes de formations de bombardiers diurnes américains comprenant des centaines de quadrimoteurs, souvent mille et plus, et ces bombardiers étaient l'objectif prioritaire de Göring et Hitler (pas leurs chasseurs d'escorte). "Mais ceLA est une autre histoire".
Les Américains, au contraire, ont armé leurs chasseurs presque uniquement de mitrailleuses de .303 (7,62 mm) puis, assez vite, de .50 (12,7 mm). Sauf quelques exceptions comme le P-38, bimoteur bipoutre (1 canon et diverses mitrailleuses), certains "Corsair" dans le Pacifique puis le "Bearcat" (trop tard pour la 2e guerre mondiale) et le gigantesque bombardier B-29 (Pacifique), ils se sont toujours cramponnés à leur chère mitrailleuse de .50 (cela signifie 50 centièmes de pouce, donc 1/2 pouce de calibre), qui, dans l'ensemble, a donné des résultats satisfaisants. On voit constamment d'autres plaisantins, ou les mêmes, traduire ".50 calibre gun" par "canon de 50 mm (!!!). C'est affligeant et désolant. La raison de cette fidélité américaine à la mitrailleuse lourde est évidente : les USA n'ont jamais eu à envoyer leurs chasseurs les défendre contre les attaques massives de nombreux bombardiers lourds ennemis. Leurs adversaires étaient presque toujours des chasseurs (mais pas dans le Pacifique) ou des bombardiers moyens bimoteurs (dans le Pacifique aussi), encore justiciables de la 12,7.
Remarques :
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1. Les Hurricane à 12 mitrailleuses de 7,7 mm étaient destinés à l'attaque au sol, notamment d'infanterie non protégée, en particulier dans le désert de Libye. Contre une colonne de fantassins surpris à découvert (et contre les véhicules non blindés : camions, etc.), les 12 mitrailleuses étaient terribles.
2. N'écoutez pas les amateurs incompétents qui vous racontent que le merveilleux canon HS 404 "s'enrayait après chaque obus tiré" et que seuls les Anglais en ont fait une arme utilisable. C'est archifaux. Les pilotes de chasse français l'appréciaient beaucoup. Ils se plaignaient de n'avoir que 60 coups pour le canon... comme les copains d'en face, les Teutons, qui avaient 60 coups pour leur très médiocre canon mais ne se sont jamais plaints d'avoir trop peu de munitions! Il est vrai que le canon allemand avait une cadence de tir beaucoup plus faible... ce qui prolongeait la durée possible du tir. Or, c'est précisément à cause de sa cadence de tir supérieure* que le HS 404 a remplacé le HS 9. Les ennuis que la RAF a eus avec ce canon en 1940 étaient dus à son incompétence en la matière (incompétence compréhensible et excusable) : cette arme française était pour ainsi dire "un monstre" par sa puissance et la violence de son recul, malgré l'énorme frein de bouche. Rien à voir avec les inoffensives petites mitrailleuses de .303 (7,7 mm). Les Anglais ont d'abord dû apprendre à le maîtriser.
*gros avantage en combat aérien, où l'avion visé "frétille" souvent pour s'échapper, restant très peu de temps "dans le collimateur"...
3. Comme je l'ai signalé ci-dessus, ne traduisez jamais l'anglais ".50 (ou 0.50) gun (ou calibre gun)" par "canon de 50 mm", comme on le voit trop souvent. L'excellent chasseur américain P-51 "Mustang" avait 6 mitrailleuses de 12,7 (.50 calibre). Imaginez cet avion avec six canons de 50 mm! Ce seraient déjà des canons pour chars, ou antichars, tout à fait respectables. "Le poids, j'vous raconte pas!". A la première rafale, le recul aurait arraché les ailes... De toute façon, le poids de ces six monstres ET DES MUNITIONS de 50 mm aurait empêché cet avion de décoller. Quant à leur mise en place dans les ailes minces du "Mustang"...
Beaucoup trop de gens racontent n'importe quoi beaucoup trop souvent. Il faut se moquer du monde pour publier (en substance), dans des livres ou dans des revues, que ".50 gun" signifie "canon de 50 mm", comme si 50/100 de pouce était l'équivalent de 50 mm! |