"Olliver" écrit :
> Non, vous n'avez pas tout lu. Pendant l'été 1940,
> Churchill déclare à son ministre de l'armement à propos de
> Hitler : "Mais il y a une chose qui lui fera faire
> marche arrière et le vaincra, c'est une attaque
> d'extermination ("exterminating attack") totalement
> dévastatrice menée depuis ce pays par des bombardiers
> lourds contre la patrie nazie". En juin 40, le même
> Churchill déclarait : "Nous transformerons l'Allemagne
> en un désert". Une vingtaine d'années plus tôt
> toujours Churchill, alors ministre, avait prévu de faire
> bombarder Berlin par des milliers d'avions en 1919. Cela
> ne sera pas nécessaire mais, quelques années plus tard,
> Churchill écrira : "Il s'agira peut-être la prochaine
> fois de tuer vraiment des femmes, des enfants et les
> populations civiles". Je pourrais continuer longtemps.
> Je vous recommande la lecture du livre L'Incendie.
> Eclairant sur les responsablités des uns et des autres sur
> l'emploi de l'aviation comme arme de démoralisation et de
> représailles.
A propos de ces petites phrases de Churchill, que vous citez à partir de L'Incendie. L'Allemagne sous les bombes 1940-1945, Ed. de Fallois, 2004, p. 68-69, il conviendrait de les restituer dans leur contexte. Friedrich lui-même concède que "tout cela était de la rhétorique" (p. 69), car Churchill n'aurait les moyens d'une telle ambition qu'en 1942-1943.
Churchill s'inspirait de concepts stratégiques très en vogue depuis la Première Guerre Mondiale, et ne détenait certes pas le monopole de ce genre de "prédictions", que l'on retrouvait aussi bien chez les Allemands (qui ont inauguré la stratégie des raids de terreur avec leurs zeppelins et leurs Gothas) que chez leurs adversaires, en particuliers les Américains et les Britanniques. Ce fantasme de la destruction des forces vives de l'adversaire par des raids aériens résulte à la fois des progrès techniques, et d'une volonté de limiter à tout prix ses propres pertes, en souvenir des hécatombes de la Grande Guerre. On ne répètera jamais assez, à ce propos, le traumatisme issu de la boucherie de la Somme en 1916 sur l'esprit des élites britanniques, civiles et militaires.
A cette croyance sincère de Churchill en l'efficacité des raids stratégiques s'ajoutent, en 1940, des considérations intéressant la gestion de l'opinion publique. Cette année là, l'Angleterre se retrouve seule dans la guerre, en proie aux raids de la Luftwaffe dont on dit qu'ils précèdent un débarquement. Dans ces conditions, Churchill a besoin d'entretenir la flamme de la résistance anglaise. Et rien de tel, pour stimuler l'ardeur combative, que d'entretenir soigneusement une rhétorique du "coup pour coup", ce qu'illustre au demeurant parfaitement le mini-raid sur Berlin du 25 août 1940.
Les raids stratégiques présenteront, à l'avenir, d'autres avantages, même s'ils se solderont par un échec global faute d'une définition appropriée des objectifs pertinents, jusqu'aux raids systématiques sur les raffineries et les dépôts de carburant. Tout d'abord, ils demeurent, longtemps, un moyen de rappeler au monde que l'Angleterre sait se battre, et que l'esprit de Munich est si oublié qu'elle n'hésite pas à s'en prendre aux villes allemandes, ce qui d'ailleurs réduit de jour en jour la marge de manoeuvre d'éventuels pacifistes occidentaux, l'une des obsessions du Premier britannique. Ensuite, ils portent la guerre au coeur du Reich, et font ressentir aux Allemands le vrai parfum de la guerre. Enfin, ils raffermissent le moral des populations européennes occupées, susceptibles de se réjouir du bombardement des cités "boches". Autant d'éléments psychologiques non négligeables, en définitive. |