L'Histomag de février 2008 vient de sortir. Rappelons que cette revue, mise en ligne par des passionnés de la Deuxième Guerre Mondiale, s'avère une excellente initiative, outre qu'elle comprend plusieurs articles particulièrement appréciables -
le hors-série de décembre 2007 consacré au massacre de Malmédy était hautement recommandable.
Cependant, nul n'est parfait ! ;-) Et l'
Histomag de février comporte à mon sens une page hautement critiquable, la rubrique "Le saviez-vous ?", qui comporte deux erreurs, l'une bénigne, l'autre bien plus grave.
Première erreur, la bénigne : prétendre qu'aucun film de l'attaque de Pearl Harbor n'existe. Certes, il est vrai que la majorité des images du raid reproduites dans divers documentaires émanent d'un film de propagande tourné par John Ford, ainsi que de reconstitutions effectuées par le "Ministère de l'Information" nippon. Mais des images animées tournées sur le vif n'en existent pas moins,
notamment grâce à un aviateur japonais (voir également
le film du décollage).
Seconde erreur, bien plus grave : l'auteur de la rubrique prétend que le
Reichstag a été incendié par un seul et unique individu, Marinus van der Lubbe, et se fonde à cet effet sur un ouvrage de l'historien amateur Fritz Tobias paru en 1962 (
Der Reichstagsbrand), complété et synthétisé par un article ultérieur de l'universitaire "fonctionnaliste" Hans Mommsen (1964), lesquels auraient emporté l'adhésion des historiens.
S'il est vrai que ces deux auteurs ont sérieusement mis à mal la version traditionnelle de l'événement, qui voulait que "les nazis" aient envoyé un commando brûler le bâtiment et aient imputé le crime à un innocent (le très falot Van der Lubbe) en compagnie d'autres leaders communistes tels que le Bulgare Dimitrov, ils n'en ont pas moins été contestés par d'autres chercheurs, tels qu'Edouard Calic (
Le Reichstag brûle !, Stock, 1969), qui, malgré quelques faiblesses dans l'argumentation démontre bel et bien que la place avait été préparée pour Van der Lubbe, lequel n'a pu que bénéficier de complicités nazies.
L'auteur de la rubrique prétend à tort qu'un seul historien se serait opposé aux travaux de Tobias et Mommsen, à savoir Klaus Fischer. En vérité, si malheureusement leurs thèses ont rencontré un certain succès chez les historiens universitaires, elles sont loin de les avoir tous convaincus (voir Gilbert Badia,
Feu au Reichstag. L'acte de naissance du régime nazi, Messidor/Editions sociales, 1983, et notamment p. 291-302 - voir également François Delpla,
Hitler, Grasset, 1999, p. 189-208). Bref, contrairement à ce qu'écrit l'auteur, ni Tobias, ni Mommsen n'ont mis fin à la
"polémique", terme plutôt discutable qu'il conviendrait de remplacer par
"controverse", qui sied mieux aux débats entourant
"l'acte fondateur du régime national-socialiste".