Certaines études ont révélé que le cannibalisme avait été maintes fois pratiqué par le passé, en période de troubles sociaux, de catastrophes naturelles et de famine. Le cas est avéré en Chine - voir Key Rey Chong,
Cannibalism in China, Longwood Academy, 1990. La nourriture viendrait-elle à manquer drastiquement que les inhibitions et les tabous disparaissent en même temps que les corps sont digérés. Mais le fait a été également constaté chez les Blancs, notamment au cours de la tristement célèbre
famine ukrainienne de 1932-1933. De telles crises étaient de nature à pervertir les mentalités : il arrivait en effet que certains individus ayant pris goût pour la chair humaine ne soient plus parvenus à s'en passer.
Dans ce contexte, et dans un pays aussi souvent ravagé que l'était la Chine, particulièrement au XXe siècle, rien d'étonnant à ce que le cannibalisme devienne un instrument de vengeance politique. Là encore, la chose est avérée dans les années vingt - voir J.L. Margolin, "Chine : purges dans les bases rouges",
L'Histoire, n° 324, octobre 2007 - et également chez les tristement célèbres Gardes Rouges de la Révolution culturelle (Marcus Mabry, "Cannibals of the Red Guard",
Newsweek, 18 janvier 1993, qui recense une centaine de morts par cannibalisme à la fin des années 60).
Le cas de l'armée japonaise, pendant la guerre, confirme l'interprétation du cannibalisme par instinct de survie (voir Yuki Tanaka,
Hidden Horrors. Japanese War Crimes in World War II, Westview Press, 1998, p. 111-134). Des cas de cannibalisme, loin d'être systématiques, ont surtout été recensés dans les zones les plus isolées et les plus éprouvantes des fronts de la Guerre du Pacifique, particulièrement en Nouvelle-Guinée. Les soldats japonais, en période de pénurie alimentaire, s'étaient mis à consommer de la chair humaine (prisonniers de guerre et civils locaux). Le Haut-Commandement en avait pris acte, et toléré l'anthropophagie à condition de ne pas toucher un cheveu d'un militaire nippon (Tanaka,
op. cit., p. 129). L'historien japonais précise que
"le cannibalisme était souvent une activité systématique menée par des compagnies entières agissant sous le commandement d’officiers" (
ibid., p. 127). Bref, une solution extrême visant à répondre à la menace que faisait planer la faim, mais une solution qui n'avait rien d'un débordement, et qui était encouragée par les officiers supérieurs.