Que Jacques Baynac n'ait effectivement pas inventé les propos attribués à Lucie Aubrac ne remet certainement pas en cause les autres reproches adressés, que vous passez par pertes et profits - votre problème perso, mais qu'il faut bien signaler.
Que vous soyez un grand admirateur de Jacques Baynac au point de bénéficier, de sa part, de courriers privés, je m'en tape, mais cela ne vous autorise pas à abdiquer tout esprit critique au regard de ses thèses.
Quant à votre embarras relatif au texte même du Dauphiné libéré, je vous pose cette question : en quoi ce texte révèle-t-il que Lucie Aubrac, aux dires de Jacques Baynac, a falsifié le contenu de son premier ouvrage relatif à Jean Moulin ?
Je vous réponds : nulle part. L'accusation de falsification portée imprudemment et lamentablement par Jacques Baynac, qui n'a aucune excuse pour avoir eu, lui, le texte sous les yeux, contre Lucie Aubrac est donc réduite à néant.
Naturellement, la chose ne vous interpelle pas.
Pas plus que ne vous interpelle le fait que Jacques Baynac ait interprété des déclarations équivoques de Lucie Aubrac pour les brandir en guise de preuve dans une interview accordée à un journal de grand tirage, ce à l'appui de la thèse de l'innocence de René Hardy, thèse si faiblement argumentée et si impossible à démontrer que ses adeptes ne songent guère à y revenir (alors qu'on les revoit souvent dialoguer sur cet épisode mineur du Dauphiné libéré, incohérence prouvant leur mauvaise foi).
Je vous pose la question, René Claude, et évitez-moi toute considération hors-sujet sur la supposition erronée que j'ai pu proposer quant à l'éventuelle falsification de Jacques Baynac (car je vous rappelle que je n'ai pas exclu d'autres hypothèses, moi), étant donné que j'ai vite admis mon erreur et m'en suis excusé : considérez-vous que l'attitude de Jacques Baynac, s'agissant de l'utilisation de ce petit article, est rigoureuse, honnête, en d'autres termes digne de l'historien qu'il prétend être, ou si vous préférez digne d'un historien ?
Et pas de demi-réponse ou d'excuses aussi bidon que maladroites du style "oui mais les autres en font autant !". Je veux un "oui" ou un "non".
En ce qui me concerne : c'est "non", évidemment. La "méthode Baynac", que préfère donc Jean-Robert Gorce, se décompose ici comme suit :
1) j'affirme que René Hardy est innocent ;
2) je ne reviens guère sur les preuves du contraire, et caricature l'argumentation adverse en la réduisant, entre autres, à l'opinion de Lucie Aubrac ;
3) je fais donc de Lucie Aubrac l'accusatrice principale de René Hardy, celle par qui tout a commencé - alors que l'accusation est d'abord venue du réseau Groussard - et celle qui l'a prétendument tant et tant accablé ;
4) puis je la disqualifie en invoquant des déclarations équivoques proférées par elle en 1998 (cinquante cinq ans après les faits), sans visiblement m'interroger ni sur leur véracité (erreurs de retranscription d'une journaliste ?) ni sur leur contexte, alors qu'elle n'a jamais varié, ni avant ni après, quant à sa suspicion de René Hardy ;
5) dans le même temps, pour enfoncer le clou, je l'accuse à tort de falsifier mes thèses ;
6) du coup, la preuve de la culpabilité de René Hardy (Lucie Aubrac) se réfute d'elle-même, et apparaît d'ailleurs en soi peu crédible, puisque malhonnête et en plus, opposée à la "libre recherche historique"...
Le point à retenir, c'est que la conclusion préexistait à l'analyse, et déterminait la méthode. Il n'y a pas eu de véritable analyse du contenu et de la portée des déclarations de Lucie Aubrac au Dauphiné libéré. L'argumentation contraire à la thèse défendue a été réduite, entre autres, à une preuve, que Jacques Baynac nous présente (en sollicitant abusivement des déclarations tardives de 1998) comme si peu crédible qu'elle se réfute elle-même, ce qui est censé discréditer l'ensemble.
Telle est la "méthode Baynac". Et on la retrouve en maints endroits de son Présumé Jean Moulin, comme je l'ai déjà montré. |