(Ces commentaires sont un peu en vrac !)
Ce qui me gêne dans les commentaires de Edouard Husson, c'est la censure - ou plutôt l'interdit - qu'ils impliquent. Si on suit l'historien, Littell n'a(urait) pas (eu) le droit d'aborder, ou d'utiliser, la Shoah dans une œuvre littéraire qui ne pose pas clairement les frontières entre le Bien et le Mal. Or Littell transgresse et c'est bien là son job d'écrivain contemporain important. Quant à lui dénier tout talent littéraire, c'est de la mauvaise foi et c'est méprisant pour ses dizaines de milliers de lecteurs.
Je crois qu'il y a en plus une fracture culturelle et générationnelle : Littell a travaillé très jeune pour l'humanitaire sur des théâtres d'opération violents et a vu et même compté les cadavres, mais c'est aussi (surtout ?) un trentenaire décomplexé "au regard froid" et qui me parait plutôt bien dans son époque, une époque dont on n'arrête pas de nous seriner qu'elle est amorale, nihiliste, etc. Littell écrit au début d'un 3e millénaire avec tout le background qu'un jeune type curieux et cultivé comme lui trimballe : la fin des illusions collectivistes, la connaissance méticuleuse du nazisme par les historiens actuels, l'ultime révolte punk, la déshumanisation, la banalisation des images de morts, etc, etc, etc. Et si son Max Aue était aussi un reflet atroce, moralement inacceptable rendant caduque toute identification possible, mais intellectuellement convaincant, de la place de l'intellectuel compromis, pire engagé dans le totalitarisme nazi, stalinien, maoïste, khmer rouge,...?
RC |