Merci de ce lien que je vais mettre dans mes favoris: la chronique du film est remarquable.
Je relève :
Melville montre donc l’omniprésence de la présence allemande comme un sombre suaire recouvrant tout. L’occupation militaire est anonyme - aucun nom, même d’officier, n’est prononcé -, l’ennemi devient une entité globale. Mais les forces pétainistes ne sont pas oubliées, même si elles ne sont montrées que par touches - ainsi, les plans fugitifs du drapeau français flottant sur le camp d’internement, ou le coup d’œil sur l’affiche de propagande "Le Maréchal tient ses promesses". L’occupation est partout, et rejoint même les personnages dans les lieux où ils devraient se sentir plus libre - ceci est limpide en voyant le raccord entre la façade du siège de la Gestapo et le quartier général de la France Libre, et plus encore lorsque Gerbier s’apprête à quitter sa chambre londonienne - le fameux ultime coup d’œil melvillien à la pièce dont on sait qu’on ne la reverra jamais - et que l’on entend déjà les pas des SS dans la salle où Félix a été torturé. L’univers carcéral est partout pour les héros melvilliens.
A la sortie du film, Melville reçut de nombreux reproches. Certains l’accusèrent même d’avoir fait une œuvre dogmatique gaulliste. D’autres rirent lors de l’apparition du Général De Gaulle. Pourtant, L’Armée des Ombres n’a rien d’une œuvre militante : aucun parti ni section n’est cité, le seul communiste déclaré est le jeune électricien pour lequel Gerbier se prend d’affection, tout en le qualifiant d’«enfant perdu». Si d’autres ont reproché à Melville d’avoir appliqué ses codes du film de gangsters à L’Armée des Ombres, c’est pourtant l’originalité de ce traitement qui donne sa force à la représentation de la Résistance.
Et, plus loin :
L’autre force du film vient sans doute des comédiens. On le sait, Melville avait souvent des rapports conflictuels avec ceux-ci. Par exemple, il n’adressait plus la parole à Lino Ventura, et les deux hommes communiquaient seulement par assistants interposés, le réalisateur faisant tout pour agacer son interprète principal. Méthode contestable sans doute, pourtant le résultat est là : Lino Ventura n’a jamais été aussi bon que dans L’Armée des Ombres, où il est stupéfiant de colère rentrée. On pourrait en dire tout autant de la performance de Paul Meurisse, impeccable en statue du commandeur, transposition évidente - entre autres - de Jean Moulin.
Sur Meurisse-Moulin, je suis moins d'accord. Je trouve le personnage joué par Meurisse plus proche de certains "phosphorants" de Libération-Nord ou de l'OCM, mais ce n'est pas l'essentiel.
Quant à la "rêverie rétrospective", je suis un peu perplexe, même si il y a effectivement une dimension onirique dans cette œuvre... inépuisable à commenter.
RC |