Bonsoir,
Dans sa "Guerre d'Indochine" qu'il faut, je crois, lire davantage comme une longue et savoureuse chronique que comme une étude toujours rigoureuse, voici ce que Lucien Bodard écrit sur les rapports de Gaulle/de Lattre :
"Chacun tire la couverture à lui. Acrimonies. Fiel qui s'accumule pendant l'épopée de Rhin et Danube. A l'armistice (de 1945), le Roi Jean est enivré, se croyant un Bayard, un Turenne ou un Napoléon à jamais. De Gaulle le laisse se discréditer dans ses fantaisies presque paranoïaques, ses imaginations délirantes. Et c'est le couperet. D'un seul coup, avec juste quelques lettres accablantes, avec le terne Koenig qui prend les hommes de De Lattre chargés d'aller cueillir des fleurs dans les champs (!), ses châteaux qui servent de PC., son commandement fulgurant. (...) Mieux que quiconque, de Lattre sait donc que de Gaulle a des vengeances terribles. Et même quand celui-ci n'est plus grand-chose officiellement. comme à la fin de 1950, il vaut mieux ne pas s'y frotter. Avec lui, on ne sait jamais. C'est ainsi qu'avant de se jeter dans la guerre d'Indochine de Lattre vient demander, sinon la bienveillance, du moins la neutralité du grand Charles. Il l'a."
Et pour conclure, un peu plus loin :
"Face à de Gaulle, le génie de la simplicité, de Lattre est le génie de la complication. Deux natures..."
Un autre éclairage.
Il faut dire que Bodard fut un des confidents de De Lattre en Indochine; il aimait chez le grand reporter l'indépendance d'esprit, mais il savait aussi l'utiliser pour soigner son image de marque destinée à l'opinion publique en France... Un échange de bons procédés : des tuyaux sûrs contre la garantie de ne pas être trop allumé par Bodard dans ses papiers-fleuves.
Quant à de Gaulle, l'écrivain fut de la France libre et conserva une "admiration critique", si on peut dire, pour le Connétable.
Amicalement,
René Claude |